mercredi 2 mai 2007

Les guerriers de la nuit (The Warriors)


Il existe certains films qui traversent les époques de manière plutôt discrètes si bien qu’on en vient à les oublier quelque peu. C’est un tort, car il y a parfois comme The Warriors des petites perles qui ne demandent qu’à être vues et savourées.

A New York, où une centaine de gangs se partagent les rues, les combats font rage. La bande la plus puissante, les Gramercy Riffs dirigés par Cyrus, désirent unifier les forces et convoquent tous les gangs à un rassemblement pacifique. Mais la réunion dérape et finit dans le sang : Cyrus est assassiné. Ce meurtre, attribué par erreur aux Warriors, déclenche sur eux la vengeance de tous les autres. La lutte pour la survie commence, le long du trajet de 40 kilomètres qui les relie à leur quartier général...

Nous voici à l’époque où les grandes villes américaines sont infestées de gangs divers et faisant la loi dans les quartiers généralement pauvres. En 1976, un producteur du nom de Lawrence Gordon est fortement intéressé par un roman de Sol Yurick intitulé Les guerriers de la nuit, l’histoire de voyous pris au piège chez l’ennemi (histoire en réalité basée sur Anabasis de Xénophon, le récit de mercenaires Grecs isolés dans les lignes ennemies Perses après la bataille de Cunaxa (-410)) mais craint de ne pas trouver de fonds suffisant vu le sujet et le manque de premier rôle pouvant intéresser une star. Néanmoins, en 1977, la Paramount est intéressée et file le scénario à Walter Hill, qui en réécrit une bonne partie.

Durant le tournage, la réalité rejoint la fiction : de vrais gangs jouent dans le film, un autre « protège » les véhicules pour 500 dollars la journée, une scène est interrompue par l’intervention de la police et lorsque des acteurs se rendent dans un magasin, les gens craignent d’être attaqués ! A cela il faut ajouter un tournage exclusivement de nuit et en extérieur, ce qui n’arrange rien mais le film est bouclé en 60 jours.

La sortie se fait évidemment avec quelques soucis : par exemple, un gang menace l’équipe pour avoir copié leur style vestimentaire sans leur autorisation. Mais le plus dur reste à venir : le film original est classé X aux Etats-Unis, non pour sa violence mais pour sa portée subversive : la commission de contrôle jugea en effet le film doté d'une "portée incitative, dans la mesure où il donne une vision très réaliste de la guérilla urbaine que des gangs peuvent développer pour conquérir une ville." Plusieurs scènes (notamment au début) sont donc retirées, le film passant d'un durée de 94 à 84 minutes.

Il est certain que le film a vieilli, mais ce petit côté rétro, bien ancré dans fin des années 70 qui fait aujourd’hui son charme. Des jeunes ne vivant que de violence, on aurait pu craindre une influence d’Orange Mécanique mais il n’en est rien : les personnages nous deviennent rapidement sympathiques (autant que faire se peut) et on compatit à leur détresse. La mise en scène de Walter Hill n’a peur de rien (1000 figurants pour la réunion au début du film) et prend d’emblée le parti pris de styliser la violence : exemple avec l’un des combats, qui se déroule dans des toilettes pour hommes, bénéficiant d'une chorégraphie complexe et qui nécessita cinq jours complets de travail pour être tourné. Il n’y a d’ailleurs presque pas de sang dans ce film et la mort n’est jamais montrée directement. Ce qui séduit le plus sans aucun doute est ce côté fantastique du film : une ambiance nocturne, un univers hostile, des personnages étranges qui le compose (on pense par exemple aux Baseball Furies, que Walter Hill créa parce qu’il aimait le baseball et le groupe Kiss) et un sentiment d’urgence constant. Il y a ce côté vampire des gangs, qui aiment l’odeur du sang la nuit tombée…

Elément-clé du film : l’absence de vedette. Argument peu porteur d’un point de vue commercial mais qui permet au spectateur de prendre le récit tel qu’il est et non pas comme un divertissement cinématographique : on imagine mal une star jouer les ados rebelles. Pour l’anecdote, on proposa à Robert de Niro un petit rôle, mais il refusa (1977 étant l’année de New York, New York et Le dernier nabab). Dans l’ensemble ils sont plutôt justes, certains se débrouillant mieux que d’autres mais au final, si aucun ne nous a vraiment marqué, pas un ne nous a vraiment exaspéré non plus. C’est déjà ça.

Film méconnu d’un cinéaste sous-estimé, The Warriors a perdu de sa force mais n’a rien perdu de son éclat écarlate, de ce flirt entre le thriller et le fantastique, teinté d’un certain désespoir dans la représentation d’une certaine jeunesse américaine, celle en perte de repères au sortir du Vietnam. La situation n’a pas beaucoup changée…

Note : ****

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