vendredi 25 mai 2007

Le vent se lève (The Wind that Shakes the Barley)


Palme d’Or au Festival de Cannes 2006, Le vent se lève permettait à Ken Loach de revenir sur les devants de la scène et de recevoir enfin le prix tant convoité. Hélas, une fois encore, le jury semble avoir opté pour la facilité dans son vote.

Depuis quelques années déjà, Cannes n’est plus que l’ombre d’elle-même : celle qui récompensa des films comme La dolce vita, Blow-Up, Conversation secrète ou Taxi Driver semble désormais s’en tenir à la « surprise » du Festival, comme le furent Fahrenheit 9/11 ou L’enfant dont les Palme d’Or surprirent tout le monde (et, franchement, déçurent tout autant). Cette fois, c’est plus la carrière de Loach que son film que l’on veut récompenser, comme pour se racheter de temps d’années d’oubli. Mais une fois encore, le résultat n’est pas à la hauteur des espérances.

L’intérêt majeur réside dans le nom de Loach à lui seul : cinéaste engagé, chacun connaît sa manière plutôt radicale d’évoquer l’Histoire ou du moins ce qui cloche dans notre monde actuel. L’indépendance de l’Irlande, qui conduisit aussi à la naissance de l’IRA, est un sujet fort, qui méritait qu’on s’attarde avec grande attention sur lui. Pourtant, au fil du temps, le film ne nous emporte pas, pire il nous semble bien long. Loach est un cinéaste vieillissant, et bien qu’il conserve une certaine puissance évocatrice, le rythme de son film est bien trop lent pour réellement envoûter. Seuls quelques scènes de combats parviennent réellement à captiver, et encore sans pour autant laisser béat d’admiration. Reste cette fascination pour des décors naturels magnifiques, de la campagne irlandaise aux villes rustiques que Loach prend un certain plaisir à filmer – et nous, à contempler.

Le scénario pourtant est digne d’intérêt. S’approchant de la tragédie par moments (l’exécution du traître, la lutte fratricide finale…), les événements décrits dans le film trouvent, selon Loach, un écho dans le monde contemporain : "Tout comme la guerre d'Espagne, ils représentent un moment crucial : comment une longue lutte pour l'indépendance peut être contrecarrée, au moment même où elle va aboutir, par un pouvoir colonial qui, tout en se débarrassant de son empire, sait parfaitement maintenir ses intérêts stratégiques. C'est là toute l'habileté de gens comme Churchill, Lloyd George, Birkenhead et les autres. Une fois coincés, quand il n'est plus vraiment dans leur intérêt de refuser l'indépendance, ils cherchent à diviser le pays. Ils soutiennent ceux qui, à l'intérieur du mouvement d'indépendance, acceptent que le pouvoir économique reste entre les mêmes mains (...) C'est une manipulation par le pouvoir central en place : des mouvements aux intérêts divergents s'unissent alors contre l'oppresseur commun. Inévitablement leurs intérêts contradictoires finissent un jour par éclater. Je suis certain que la situation est la même aujourd'hui dans un pays comme l'Irak, où la résistance aux Américains et aux Britanniques rassemble nombre de gens qui découvriront qu'en fait leurs intérêts divergent quand les Américains auront enfin été forcés de partir." Et à ceux qui reprocheraient à son film d'être "anti-britannique", Loach répond : "J'ai envie que les spectateurs voient les personnages au-delà de leur nationalité. Ce n'est pas un film sur les Anglais qui tabassent les Irlandais... Les gens ont beaucoup plus de points communs avec des étrangers de la même condition sociale qu'avec, disons, ceux qui sont au sommet de leur échelle sociale (...) En Irlande, les Britanniques ont laissé derrière eux de terribles séquelles, et les forces de progrès ont souffert d'un énorme recul après le traité. Malgré cela, et malgré toutes les souffrances, le fait est que les Britanniques se sont retirés. Il y a là un élément d'espoir." D’accord, mais pourquoi un tel parti pris alors ? Il est triste de voir avec quel facilité les Anglais sont attaqués dans ce film, qui souligne certes leurs actions ignobles mais qui ne semblent pas trouver pardon aux yeux de Loach ; preuve en est avec le seul Britannique rendu sympathique dans ce film est un jeune soldat à moitié irlandais… On regrettera aussi quelques clichés comme cette histoire d’amour entre Damien et Sinead qui viennent un peu alourdir le propos, qui se suffisait pourtant amplement à lui seul.

La direction d’acteur de Loach est en effet toujours aussi impeccable : les acteurs, pour la plupart amateurs (excepté Cilian Murphy), sont convaincants., même si on regrettera un tout petit manque d’implication de leur part.

Reste à souligner une musique mélancolique réussie, dans une tradition irlandaise qui confère au film une ambiance à la foi nostalgique et triste, bref qui sert très bien le tout.

Dommage donc que Le vent se lève ne tienne pas toutes ses promesses, où la frustration d’assister à un pamphlet un peu trop manichéen (les gentils Irlandais contre les très vilains Britanniques) qui ne ressemble pas au Loach des grands jours gâche le plaisir de voir la Palme d’Or 2006. Loin d’être un échec mais pas le chef-d’œuvre espéré non plus.

Note : **

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