vendredi 18 mai 2007

Raisons d'Etat (The Good Sheperd)


Avec un acteur derrière la caméra, on a déjà eu droit au meilleur comme au pire. Robert de Niro nous avait déjà montré ce dont il était capable avec Il était une fois dans le Bronx il y a 13 ans, du moins le croyait-on… grave erreur au vu de The Good Sheperd !

Après avoir mûri le projet pendant 10 ans, et s’être fait la main sur The Score de Frank Oz en attendant, De Niro nous revient avec un récit à 100 lieues de son premier film.

La première chose qui nous frappe est la révélation du vrai metteur en scène qui sommeille en De Niro : exit l’influence marquée de Scorsese, De Niro réalise comme il le sent, en prenant son temps (2h40), en ne souciant visiblement pas des contraintes hollywoodiennes (très peu d’action, beaucoup de (longues) réflexions) et en nous éclairant sur quelques touches plus personnelles : la reconstitution historique, le parcours initiatique du héros, son déchirement entre le Bien et le Mal, la figure paternelle tronquée… Autant de petites choses qui reviennent dans ce second film, qui a eu bien raison de ne pas se précipiter pour être bien clair. On regrettera juste plusieurs longueurs, comme le premier amour du héros, qui n’apporte finalement rien de neuf au récit dans sa suite. Mais le film ne pouvait pas faire moins de 2h15, ça c’est un fait, donc on peut encore pardonner.

En fait, ce problème semble venir surtout du scénariste Eric Roth, habitué des biopics réelles ou imaginaires (Forrest Gump, Révélations, Ali, Munich) mais qui, si on admire son souci du détail, ne peut s’empêcher lui d’apporter un petit quelque chose de cinéma pop-corn dans ses scripts. On ne lui en tiendra pas complètement rigueur non plus, vu la qualité globale de l’histoire et son côté réaliste (les personnages ayant réellement existés, sous d’autres noms).

Surtout qu’avec un scénario dense comme celui-ci, une multitude de personnages apparaissent et les amitiés et la réputation de De Niro aidant sans doute, nous assistons à pluie de stars ! Du lot, c’est assurément Matt Damon qui se démarque, tout en silence et en non-dits, replié sur lui-même, dont le mutisme finit par être des plus efficaces. Il n’interprète pas son modèle paranoïaque, il l’incarne complètement : froid, précis, implacable et bougrement intelligent, bref un véritable agent des services secrets, à l’opposé d’un James Bond. A ses côtés, les autres acteurs livrent des interprétations toutes plus honorables les unes que les autres, d’une Angelina Jolie à bout de nerfs à un John Turturro impeccable, en passant par des William Hurt, de Niro ou Alec Baldwin dont on ne peut jamais dire s’ils sont amis ou ennemis.

Bien que souffrant d’un léger académisme par moment (on aurait aimé une mise en scène un peu moins en retenue pour certaines scènes, comme une musique autrement plus efficace bien que cette dernière s’avère de qualité), The Good Sheperd est un exercice réussi pour De Niro, qui confirme qu’il est encore loin d’avoir montré tout son talent en tant que cinéaste. On espère juste ne pas devoir attendre encore 13 ans avant un nouveau film.

Note : ***

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