lundi 21 mai 2007

The Doors


Que toute personne célèbre ayant un destin tragique se rassure : elle passera d’une manière ou d’une autre à la postérité avec l’adaptation de sa vie au cinéma. On ne compte plus ces biopics, de qualités inégales, qui ont traité de stars qui ont marqué notre époque. Evidemment, Jim Morrison ne pouvait y échapper, mais malheureusement c’est Oliver Stone qui s’est chargé de réaliser The Doors.

Le projet a pourtant traîner longtemps : pas moins de 20 ans ont été nécessaires pour qu’un cinéaste réussisse enfin à faire revivre l’idole de toute une génération. Des noms comme Tom Cruise, Jason Patric et même John Travolta ont circulés pour incarner Morrison (Travolta sympathisa même avec le reste du groupe, qui le jugea finalement trop gentil pour le rôle). Finalement, c’est Stone qui hérite du projet, et songe dans un premier temps à un chanteur pour le rôle principal. Heureusement, Val Kilmer ne veut pas laisser passer l’occasion, et avant l’audition il mémorise les paroles de toutes les chansons écrites par Morrison, mieux, il envoie une vidéo de lui en train d’imiter Morrison en concert à Stone. Et Kilmer obtient le rôle. A sa sortie, le film est applaudi par certains fans mais décriés par d’autres. En outre, Ray Manzarek, qui a refusé plusieurs fois son aide au réalisateur, dénonce le film comme une horrible représentation du groupe, pour ne pas dire un mensonge malgré les apparitions furtives de Patricia Kennealy (maîtresse du vrai Morrison), John Densmore (le batteur des Doors) et Robby Krieger (guitariste du groupe).

Au vu du résultat final, c’est vrai qu’il y a de quoi être déçu : Stone tente un film psychédélique, en phase avec son personnage et sa vision du monde… Très bien sauf si on ne prend pas soi-même du LSD : là, on se rend compte de l’arnaque !

Le vrai problème, c’est Oliver Stone aux commandes. Non pas qu’il soit mauvais (il impose même le respect dans la reconstitution des concerts) mais disons qu’il n’était pas le cinéaste le mieux placé : on rêve de ce qu’aurait pu être le film aux mains d’un Coppola (qui a fréquenté l’UCLA en même temps que Morrison) ou d’un Scorsese (qui a pleinement vécu cette période de contestation et de révolution musicale). L’ennui en fait avec Stone, c’est que l’on sen dans sa mise en scène un égocentrisme handicapant, persuadé de tenir un chef-d’œuvre et donc de pouvoir en faire quelque chose d’original avec. Certes la démarche du film psychédélique est sympa, mais ne tient pas la distance sur 2h15 et surtout contraste de trop avec certaines scènes filmées de manière conventionnelle. De plus, à trop se concentrer sur son personnage, Stone passe à côté d’une chose qui méritait pourtant qu’on s’y attarde : la situation aux Etats-Unis dans les années Vietnam. Même en à-côté, un tel sujet, surtout pour un cinéaste engagé comme Stone, aurait du être beaucoup plus développés ; hélas, il n’en est rien. On pourra aussi regretter que Stone se veut réaliste (le vrai visage de Morrison, ses excès, ses colères comme cette scène où il balance une télévision sur ses amis, anecdote authentique) alors qu’il traite l’histoire du point de vue de Morrison même, comme cette légende selon laquelle des esprits indiens se seraient emparés du corps du chanteur lorsqu’il était enfant. Un manque ttal de rigueur qui non seulement fait vieillir le film mais en plus le rend un peu trop impénétrable si on ne s’éclate pas un bon coup avant de le voir.

Heureusement, le choix de Val Kilmer fut le meilleur investissement de la production : plus d’une fois, Kilmer épate, impressionne, va jusqu’à devenir l’incarnation vivante de Morrison. Il faut dire que l’acteur n’a eu peur de rien : se mettre des lentilles spéciales pour quand le chanteur était stone, pousser la chansonnette, vivre pendant un an comme Morrison, allant jusqu’à porter ses vêtements – et durant le tournage se casser un bras en sautant dans le public. Le résultat est là : Val Kilmer est bon, très bon, tellement bon que même les véritables Doors et le biographe de Morrison s’inclinent devant tant de réalisme. Il en arrive même à éclipser ses partenaires, de Meg Ryan à Kyle MacLachlan en passant par Michael Madsen, pourtant très bons eux aussi. Et si on regrettera que Val Kilmer ne fait jamais 22-28 ans mais bel et bien sa trentaine à l’époque, on notera une troublante ressemblance entre lui et le véritable Morrison. Les mystères de la vie quand même…

On regrettera donc que Stone se veut, une fois encore, en possession de la Vérité, alors que Morrison est dépeint plus comme un monstre que comme le génie qu’il était assurément, poète incompris et trop dépendant des drogues. Reste au film la prestation admirable de Val Kilmer (assurément le rôle de sa vie, n’ayons pas peur des mots) et la musique, toujours aussi immense après 40 ans, des Doors. Rien que pour ça, on ferait bien l’impasse et on regarderait le film une fois encore.

Note : **

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