lundi 1 juin 2009

La vie d'O-Haru, femme galante (Saikaku ichidai onna)


Alors qu’il vient à Venise pour défendre son film, Kenji Mizoguchi s’entend dire qu’il est aussi grand cinéaste que William Wyler. Intrigué, Mizoguchi va voir le film de Wyler, et à la sortie confiera à son scénariste « ça va, je n’ai rien à craindre ».

Derrière cette boutade se cache pourtant une vérité : Mizoguchi est un immense cinéaste dont l’œuvre est plus complexe qu’elle ne veut le faire croire. Il suffit de revoir la scène de la tentative de suicide d’O-Haru pour s’en convaincre : filmée en plan-séquence (que Mizoguchi adorait plus que tout), avec pour décor un bois paisible, la scène est tout aussi subtile (le calme du bois contraste avec l’hystérie d’O-Haru, et la douceur de la Nature est tout de même une prison pour l’héroïne derrière les bambous-barreaux de l’écran) qu’évocatrice (toute la vie d’O-Haru est résumée dans cette séquence : errance, désespoir et solitude).

O-Haru est réellement le personnage féminin de la tragédie par excellence. Objet de toutes les convoitises et de toutes les jalousies, condamnée à être aimée mais ne pas aimer en retour, elle est aussi la quintessence de l'héroïne féminine chez Mizoguchi. Difficile en effet de ne pas voir dans cette femme vendue par son père le reflet de la vraie sœur de Kenji Mizoguchi, elle aussi vendue comme geisha en son temps (ce qui marqua profondément le cinéaste d’où cet attrait pour les femmes et en particulier les prostituées).

A la fois drôle, amer, mais avec une infinie tendresse pour son personnage, le film est aussi une preuve évidente de la maestria technique de Mizoguchi, qui réalise des plans-séquences tout simplement impressionnants ou compose des cadres très riches. A noter aussi sa magnifique direction d’acteur, en particulier Kinuyo Tanaka, actrice fétiche de Mizoguchi, qui peut ici être aussi désirable que touchante.

Keishuku, kun Mizoguchi ! (“Félicitations, monsieur Mizoguchi”, bande d’ignares!)

Note : ****

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