mercredi 10 juin 2009

Dyptique Che : l'Argentin et Guerilla


La première question qui se pose lorsqu’on voit Che, c’est : fallait-il réellement deux films pour parler du célèbre révolutionnaire ? Eh bien quand on voit l’Argentin, la réponse est affirmative.

Résumer une vie aussi riche que celle du Che en deux heures serait un crime, ne serait-ce que parce que ça reviendrait à éluder les contours du personnage, et le contexte socio-historique dans lequel il a évolué et a fait sa place. La dilogie de Steven Soderbergh ne se concentre que sur quelques années de révolution d’ailleurs, laissant à Carnets de voyage de Walter Salles le soin de raconter la jeunesse (genèse ?) d’Ernesto Guevara.

Bon, il est évident que la mise en scène de ce premier opus est très classique, que les décors varient peu (normal, vu que c’est la jungle…) et que la narration est convenue (une suite de flash-back, le point de départ étant une interview du Che aux Etats-Unis lors de sa visite à l’ONU à New York en 1964).

Mais ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est le détachement de Soderbergh par rapport à son sujet. Au fil des années, le Che est devenu un mythe loin de la véritable histoire ; ici, le réalisateur ne prend pas parti, ne fait pas de film politique ni le portrait d'un héros ou d'un martyr : c'est le portrait d'un meneur d'hommes avec ses idées propres et qu'il défend arme au poing. C'est bien simple : le surnom "Che" doit être prononcé à peine 3 ou 4 fois sur deux heures de film. Lui est préféré le nom d'Ernesto Guevara. On supprime le mythe pour parler de l'homme.

Cet homme, c’est Benicio del Toto qui le fait revivre, et au-delà de la ressemblance troublante entre les deux hommes, on comprend très vite la raison du Prix d’interprétation à Cannes tant il compose, lui aussi, un être humain au-delà du mythe, capable d’être attentionné mais aussi d’être un chef militaire sans concession.

Si le chef-d’œuvre est loin, Soderbergh a au moins le mérite de présenter un personnage désacralisé, non plus une image historique mais un guérillero intelligent et déterminé, motivé par ses idées. Un regard rétrospectif intéressant et non négligeable qui fait la force de ce film hollywoodien standard.

Note : ***


Mais comment est-ce possible ??? Comment un même film à la base peut être si différent quand il est séparé en deux à sa sortie ???

L'Argentin jouait de la subtilité, de la démystification, de la recherche d'objectivité en ne s’attachant plus au Che le mythe mais au Che l’homme. La naissance d’une icône prenait une toute autre dimension que ce qui a pu déjà être fait sur Ernesto Guevara. Et voilà que cette suite déconne, est écœurante de parti pris (bye bye les crimes du Che, exit son voyage peu reluisant au Congo, au revoir l'implication importante des USA dans son assassinat !) et d'effets larmoyants (la mort du Che, en point de vue subjectif, sensée attirer la compassion est juste ridicule). Soderbergh semble limiter la défaite de la révolution aux Boliviens, aux rebelles d’une part (vite démoralisés, déserteurs) et aux paysans. Le cinéaste n’accorde d’importance au fait que le Che a vu trop grand, ou a trop voulu imposer ses idéaux à une population qui n’en voulait pas. Les Américains n’ont pour lui (et ses scénaristes) que peu intervenus, en formant des soldats d’élite : si le Che a perdu, c’est la faute aux siens qui l’ont trahi. Si tout cela n’est pas faux, elle ne constitue pas les seules causes de son échec en Amérique Latine !

On se retrouve donc avec un scénario gruyère, et une mise en scène d'une platitude... Je ne vous dis que ça. Les scènes se suivent et se ressemblent, il n’y a plus d’envolée lyrique, juste un regard presque de reportage, trahit comme je l’ai précisé par un final mélodramatique à souhait.

Reste Benicio Del Toro, même si lui aussi semble moins inspiré que dans le premier film.

Est-il possible que l'Argentin et Guerilla aient formé un jour le même film ? Je commence sérieusement à en douter.

Note : *

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