mercredi 22 février 2006

Sheitan


Inutile de dire à quel point Vincent Cassel aime les rôles un peu dérangés de personnages atypiques : La haine, Blueberry, Dobermann, Irréversible sont autant d’exemples des goûts plutôt spéciaux du fils Cassel. Quoi de plus normal dès lors qu’il s’associe à Kourtrajmé pour produire le film de Kim Chapiron, annoncé comme le renouveau du cinéma gore français.

Il faut dire que Sheitan est… original. Si l’auteur l’a conçu comme un mélange des Chiens de paille et des Galettes de Pont-Aven, on peut voir d’autres références tout aussi prestigieuses : Evil Dead dans l’humour décalé et morbide, Rosemary’s baby dans l’écriture…

Attention cependant, le film n’est pas la claque attendue : un défaut du film par exemple est de viser le public jeune à travers une description d’une bande de copains de Cité, tous au plus stéréotypés les uns que les autres (influence de La haine : un black, un beur et un asiatique comme héros). Il y a aussi ce final qui se veut déboussolant mais qui vire au n’importe quoi à force de trop vouloir en faire. Enfin, il y a cette farouche volonté de Chapiron de copier Romero en donnant un discours social à son film (du style « c’est chez les bourgeois que se planquent les dingues ») mais une fois encore sombre dans le comique plutôt que dans la satire.

Heureusement, passé ces imperfections, le film vaut le coup. Attention toutefois à ne pas prendre Sheitan comme un film de genre sérieux ; prenez-le plutôt comme du grand Guignol, de l’auto parodie et vous verrez comme le film est délirant à souhait. Bon, ne nous voilons pas la face, il va falloir accepter l’humour un peu lourd, les gags ciblés « d’jeuns » et une ambiance malsaine pour apprécier pleinement mais quoi, on n’a pas payé pour voir La mélodie du bonheur non plus…

D’autant que Cassel vaut le coup à lui seul. Si sa première apparition en fera sourire (voir pleurer de rire) plus d’un, son personnage va rapidement devenir angoissant, sans sombrer dans le stéréotype du vilain-pas-beau-qui-va-certainement-trucider-tout-le-monde-avant-la-fin-du-film… Aussi à l’aise dans son personnage qu’un esquimau sur la banquise, Cassel profite de l’occasion pour jouer les déjantés chroniques, un peu attardé mais terriblement manipulateur. Dommage que le reste du casting ne suive pas aussi bien, hormis peut-être l’exquise Roxanne Mesquida, la seule à se démarquer du reste des comédiens, amateurs il faut bien dire. Mention peut-être aussi pour Olivier Barthélémy qui parvient quelque fois à bien jouer, mais pas toujours…

Voulant visiblement se démarquer du reste de la nouvelle génération française, Kim chapiron a opté pour une mise en scène barrée, mélange improbable de Polanski et de Boyle, à l’esthétique crados (style Seven) travaillée et au cadrage pour la plupart du temps bien pensé (un plan magnifique est celui de la découverte de la maison, référence directe à Shining de Kubrick). Il a même délaisser les habituels effets sonores du thriller pour choisir une b.o. qui convenait, bien plus qu’à l’esprit du film, à ses envies et à celles de Vincent Cassel. Un choix pourtant agréable, malgré la majorité de chansons rap mais où se glisse deux thèmes intéressants, un électro convenant à la mise en scène et un classique convenant à l’ambiance…

Malgré un scénario faiblard et une trop grande limitation de public, Sheitan n’est pas la daube annoncée, mais pas non plus le chef-d’œuvre espéré par les fans du genre. Il est un film trash, se complaisant dans son propre univers où le dieu Cassel se déchaîne pour le plus grand plaisir de Kim Chapiron (lequel, avec un peu plus de rigueur dans l’écriture et le choix de ses comédiens, pourrait encore faire parler de lui) et de nous-mêmes, quelque part voyeurs de cette histoire malsaine et totalement jubilatoire.

Note : **

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