lundi 6 février 2006

Rosetta


Une vision acerbe d’une société en perdition : voilà ce qu’est Rosetta.

A l’époque, imaginez la grosse claque : un film exclusivement ciblé social réalisé par deux frères belges qui commencent seulement à percer remporte à la surprise générale la Palme d’Or, présidé par David Cronenberg ! Et comme si ça ne suffisait pas, le Prix d’interprétation est également attribué à l’actrice principale, Emilie Dequenne ! Des films qui ont reçu ces deux récompenses, ça se compte sur une main, et ce n’est pas réalisé par n’importe qui (Barton Fink des frères Coen par exemple). Mais le film méritait-il vraiment autant d’honneur ? Eh bien oui… et non.

Oui car les frères possèdent un style que les autres n’ont pas. Leur manière de mélanger fiction et documentaire est réellement saisissante, même si elle ne constitue pas le sommet du genre. Et puis le but était très honorable : montrer à une majorité de gens qui ne regardent pas les journaux télévisés correctement que la misère est vraiment partout, qu’on soit dans un pays « civilisé » ou non. Et puis il ne faudrait pas oublier la formidable révélation que fut Emilie Dequenne…

Mais personnellement, je m’arrête là. Je ne critique absolument pas le cinéma des frères Dardenne, loin de là. On peut même leur dire merci de représenter aussi fièrement le cinéma belge à l’étranger. L’ennui, c’est que je n’accroche pas.

Certes l’aspect documentaire (longs plans, caméra à l’épaule, jeu du champ/hors-champ…) est dans la plus pure tradition belge (c’est à travers ce cinéma que nous nous sommes formés, et encore maintenant des gens comme Benoît Mariage sont issus de là) mais il ne convient pas trop à ce type de cinéma. La face cachée des villes belges est très bien montrée, je l’accorde, mais doit-on pour autant le souligner aussi fortement ? C’est là l’ennui des Dardenne selon moi : leurs propos sont justes, la psychologie très bien utilisée mais les traits sont grossis à tel point que le spectateur ne s’identifie plus au personnage principal mais finit par s’ennuyer.

Et puis c’est une bien triste réalité mais cela personne ne l’ignore ; pourquoi dès lors focalisé son cinéma uniquement là-dessus ? Je reste convaincu que s’ils faisaient un cinéma plus léger, les frères Dardenne pourraient avoir une notoriété encore plus grande. Mais bon, je peux me tromper.

Un film poignant, authentique, impeccable d’un point de vue technique et artistique mais que certaines longueurs viennent un peu plomber ; réussi mais pas complètement.

Note : **

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