vendredi 24 février 2006

Mémoires d'une Geisha (Memoirs of a Geisha)


Mémoires d’une Geisha, ou le plus beau film de Rob Marshall, tout simplement.

Il faut dire qu’avec Chicago, le cinéaste avait créé la surprise : sorti de nulle part, inconnu au bataillon, il cartonnait en revisitant le monde des comédies musicales et en glanant 6 Oscars sur 13 nominations ! Acteurs impeccables, décors travaillés, sens du timing et (surtout) du montage, perfectionnisme au niveau du son et de la photo, mise en scène un peu décalée… Du spectacle tout public de haute gamme ! Alors forcément, Mémoires d’une Geisha était attendu au tournant, d’autant que le film était une adaptation d’un best-seller… Et on est pas trop déçu finalement !

Aspect le plus intéressant : le casting. Outre le fait que les actrices soient sublimes, elles regorgent d’un talent immense : que ce soit Zhang Ziyi, Michelle Yeoh ou Gong Li, toutes sont aussi convaincantes que magnifiques (c’est dire !). Et tout ça sous l’œil du très sobre Ken Watanabe, toute en retenue et fragilité humaine. Pourtant, c sont bien les trois héroïnes qui portent le film sur leurs frêles épaules, d’une intensité sans égal et jouant aussi bien de leurs charmes que de leurs grâces pour rendre leurs personnages humains. Des actrices d’exception qui, pourtant, peuvent voir en la petite Suzuka Ohgo une rivale de taille. C’est tout le mal que l’on peut souhaiter à cette jeune fille d’à peine 12 ans lors du tournage.

Enfin l’aspect que l’on retient le plus du film : l’esthétisme. Si on connaissait le goût de Marshall pour des couleurs flashantes et chaudes, il continue sur sa lancée en travaillant chaque image de sorte à ce qu’elle ressemble à une peinture de maître. Comme si cela ne suffisait pas, le souci porté au décors et aux costumes est très impressionnant, plongeant le spectateur dans le Japon des années 30. Quant à la photo, d’une beauté sans nom, elle n’a, elle, d’égale que la musique signée par l’incontournable John Williams (lequel, pour anecdote, a refusé de collaborer sur le quatrième Harry Potter pour se consacrer à Mémoires d’une Geisha : à raison puisqu’il a emporté un Golden globe).

Mais voilà, à part la beauté visuelle constante et des interprétations à couper le souffle, le film pêche par sa réalisation, son scénario et sa longueur.

Le scénario d’abord, adaptation certes réussie mais hélas trop superficielle u roman de base, aurait mérité un traitement différent, plus axé sur la difficulté de ces femmes, plus call-girls que prostituées, à s’insérer dans le monde masculin d’une cruauté sans nom au Japon. En dépit, le script se concentre plus sur l’histoire d’amour entre Chiyo et le Président, histoire dont on connaît rapidement le dénouement et qui, finalement, importe peu au vu du reste du film, ciblé la moitié du temps sur la formation de geisha et la lutte entre Chiyo et Hatsumomo, peut-être l’idée la plus intéressante (forme de compétition faisant écho à l’élitisme régnant au Japon actuellement) mais hélas trop peu exploitée aussi.

La réalisation de Marshall, elle, déçoit par son classicisme exacerbé : c’est filmé platement, sans vie, comme aurait pu le faire n’importe quel autre cinéaste. On ne demandait pas une mise en scène à l’envolée mais au moins quelque chose de plus libre, de moins typé « Hollywood » surtout de la part de Marshall, qui s’était lâché sur Chicago et ses scènes de chants un peu hors catégorie. Hélas, hélas, trois fois hélas, rien de tout cela ici.

De plus, le film dure trop longtemps pour être parfaitement équilibré. D’une durée de 2h15, Mémoires d’une Geisha aurait pu être passionnant de bout en bout s’il n’avait duré que 2h. Pas bien grave dans le sens où le film passe quand même vite, mais une erreur de plus qui empêche le film d’accéder au rang des chefs-d’œuvre.

Car oui hélas Mémoires d’une Geisha n’atteint que partiellement les sommets, laissant un petit goût de trop peu ; il s’agit néanmoins d’un film d’une beauté formelle étourdissante, qui mérite le déplacement ne serait-ce que pour ses interprètes.

Note : ***

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