jeudi 30 juillet 2009

12 hommes en colère (12 angry men)


Il y a un mot que les gens, moi en particulier, galvaude sans arrêt : « chef-d’œuvre ». Mais il arrive parfois que ce mot retrouve son sens et apparaît comme le seul adjectif possible à ce que, en matière de cinéma, nous voyons. Tel est le cas de 12 hommes en colère.

Imaginez qu’un film soit une véritable leçon de cinéma. Ici par exemple, le génie de Lumet consiste à faire tenir la route à un récit durant 1h30 en ne contenant qu’un décor unique, 12 acteurs et une suite ininterrompue de dialogues. Ce pari fou ne semble poser aucun problème à Lumet, lequel parvient par je ne sais quel miracle à créer non seulement l’ambiance tendue qu’il faut tout en évitant d’asphyxier son film et de le rendre plan-plan (les différents cadrages sont très nombreux). Aucune faute d’axe, aucun problème de raccords, rien : le film est tout simplement abouti sur le plan technique. Plus fort encore, Lumet parvient même à recréer, par les dialogues et quelques éléments de mise en scène (un détail, une reconstitution entre jurés) un procès dont nous ne savons rien et que nous n’avons pas vu !

Imaginez aussi qu’un film, un premier qui plus est, contienne tous les éléments d’une œuvre longue et riche à venir. Car dans 12 hommes en colère, c’est bien le cinéma entier de Lumet qui prend place : la réflexion sur le système judiciaire défaillant, la sobriété et l’efficacité d’une mise en scène au service du scénario, un art de l’ambiance tendue, une direction d’acteurs hors pair (car, comme si j’avais besoin de le dire, Henry Fonda est merveilleux, mais les autres acteurs aussi).

Imaginez enfin que, sous ces airs de film standard pour grand public, se cache un message, un cri d’opinion de la part d’un cinéaste très engagé. Car ce n’est pas tant la délibération et les débats qui en découlent qui intéressent Lumet mais bel et bien son opposition à la peine de mort, trop souvent appliquée à des affaires bâclées ou souffrant (comme ici) de jurés incompétents (au choix ceux qui s’en moquent, les opportunistes, les racistes ou les vengeances personnelles).

Si vous parvenez à imaginer cela, vous comprenez le sens du mot chef-d’œuvre. Et si vous n’y arrivez pas, eh bien regarder 12 hommes en colère, tout simplement.

Note : *****

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