lundi 29 janvier 2007

Streamers


Robert Altman a toujours été contre l’absurdité de la guerre au Vietnam, c’est un fait. Inutile de rappeler son célèbre film qui tournait le conflit en dérision… Film qui inspira une série du même nom, et qui dégoûta tellement Altman qui voulu y répondre par un nouveau film, inspiré d’une pièce de théâtre de David Rabe, s’intitulant Streamers.

Ici, aucun humour, même noir, aucune compassion et même pas une once de bonne humeur : le film est sombre, froid, inspirant la tristesse. Et puisqu’il est issu d’une pièce de théâtre, pas besoin de faire dans le grandiose : un seul décor, six personnages principaux, une courte durée d’action et une profusion de dialogues. C’est un peu le contraste du Robert Altman que l’on connaît, que l’on aime, dirigeant des dizaines d’acteurs dans des dizaines d’endroits différents mais qu’importe : Streamers est une réaction, et pour ce faire elle doit être rapide. D’où le minimum syndical au niveau de la forme pour un film tourné en… 18 jours !

C’est un peu dommage d’ailleurs qu’Altman ne vogue pas plus à l’extérieur du bloc des soldats, mais paradoxalement cela sert le film : le sentiment de claustrophobie qui s’en dégage petit à petit nous mets mal à l’aise, et l’impossibilité de bouger des chambrées, même pour se rendre dans les pièces jointes comme les douches, confirme un sentiment d’insécurité, de méfiance et surtout d’attention à ce qui se passe dans l’endroit où nous sommes. De ce point de vue dramatique, Altman réussit admirablement à imposer son récit, ses personnages, son décor au spectateur, et fait oublier qu’il était l’auteur d’un M.A.S.H. souvent en plein air.

Les acteurs de ce fait se sentent privilégiés, et le rendent bien au cinéaste : six personnages mais six interprétations dignes de ce nom, moins peut-être pour Michael Wright qui en fait trop, contrairement à Mitchell Lichtenstein et George Dzundza d’une justesse d’un bout à l’autre du film. Des acteurs récompensés, en collectif, du Prix d’interprétation à Venise, fait inédit à l’époque et qu’Altman réitéra quelques années plus tard.

Le scénario soulève aussi des questions difficiles : l’homosexualité, le racisme, l’alcoolisme et le conflit en lui-même. Des sujets tabous, menés de main de maître jusqu’à un certain point ; car c’est là la faiblesse du film, ne pas pouvoir tenir la distance. Déjà raccourci d’une bonne demi-heure, le film aurait été plus fin, plus équilibré, plus efficace, car le gros problème vient de la dernière demi-heure justement, partant un peu dans tous les sens, comme incontrôlable, et Altman semble impuissant à diriger ses comédiens et son récit dans un moment qui, au lieu d’être dramatique, ressemble à du vaudeville ringard et même pas drôle. L’absurdité des dernières scènes et des dialogues creux font que l’on s’ennuie ferme et qu’on décroche. Et gâche le plaisir du film, correct jusque là.

Un sentiment de travail bâclé vient donc empiéter sur le film, nous laissant un drôle de goût en bouche. L’ironie d’Altman disparue, et pire sa direction d’acteur abandonnée l’espace d’un quart du film font plonger Streamers vers la médiocrité. Une réalisation stable et des thèmes osés sauvent heureusement le film du naufrage, mais de peu. Dommage.

Note : **

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