samedi 20 janvier 2007

A mort l'arbitre !


On sait que Jean-Pierre Mocky ne fait rien comme les autres. Alors quand on sait qu’il s’attaque au monde du football avec A mort l’arbitre !, on est en droit de s’inquiéter.

Du football ? Pas exactement, puisque ce sont les supporters les cibles du film. Entendez bien les supporters beaufs, un peu arriéré, amoureux de la baston, de l’insulte et autres activités anti-sportive. Soyons honnêtes, nous ne sommes pas à l’abri du stéréotype, mais rapidement on découvre que c’est voulu, que tout dans ce film est exagéré.

Le scénario est exagéré : ces supporters qui veulent tabasser l’arbitre pour leur avoir fait perdre la coupe, jusqu’à ce qu’il y ait un mort par erreur et que l’on accuse l’arbitre d’en être l’auteur, d’où chasse à l’homme… Une histoire improbable pour un film décalé, déconnecté de la réalité. Les personnages sont d’ailleurs plus invraisemblables les uns que les autres, entre les stéréotypes et les caricatures abusées.

Il est intéressant d’analyser la mise en scène de Mocky. Clairement décalée elle aussi, elle ressemble assez à ce que sera plus tard After Hours de Scorsese, cette cavalcade pour la survie d’un pauvre quidam accusé de meurtre. Se passant exclusivement de nuit, la réalisation lorgne aussi du côté d’Orange Mécanique, dans l’utilisation des focales qui offrent des cadrages étonnants. Il y a aussi cette manière spécifique de filmer les immenses bâtiments froids, comme la cité urbaine du film de Stanley Kubrick. Enfin, l’utilisation de la musique classique pour contraster avec les images est flagrante.

Au niveau des interprétations, ces acteurs qui possèdent une « gueule » comme on dit font que le charme opère. Hélas, ils ne sont pas toujours convaincants, comme il arrive qu’Eddy Mitchell ou Carole Laure aient des moments de faiblesses, bien que rares. Non, ce qui surprend le plus reste l’interprétation de Serrault, très loin de ses rôles habituels de comique puisque ici, il joue carrément le rôle d’un fourbe, menteur et psychopathe de surcroît. Voici ce qu’en dit justement Mocky : « Vous savez, cela fait longtemps que je pense que les acteurs comiques sont aussi d'excellents acteurs dramatiques. Les exemples classiques sont Fernandel, Bourvil et Raimu (...). Quant au personnage de Serrault dans A mort l'arbitre !, il est un peu comparable à Robert Le Vigan dans Goupi Mains rouges, c'est-à-dire un personnage d'exception. »

Cependant, malgré toutes ses qualités, le film ne séduit pas totalement, laissant une drôle d’idée derrière lui : bombe anticonformiste ou film bâclé sous couvert d’originalité ? Il y a en effet par-ci par-là des longueurs, des répétitions, un côté un peu trop manichéen, des scènes un peu trop prévisibles… On regrette, d’autant que le politiquement incorrect de mise ici fonctionne en général, comme dans ce final immoral.

Un film ambigu, qui nécessite plusieurs visions avant de pouvoir émettre un avis définitif sur son apport au cinéma. Du premier coup en tout cas, à moitié convaincu.

Note : **

0 Comments: