vendredi 5 janvier 2007

The Gladiators (Gladiatorerna)


Peut-on croire que, parmi les cinéastes engagés, certains ont un don de prémonition ? Apparemment oui, puisque dès 1969 le trop méconnu Peter Watkins savait vers quoi se dirigeait le monde et la télévision avec The Gladiators.

Afin de défouler l'agressivité de leurs concitoyens, les deux grands blocs qui dominent le monde (communistes et capitalistes) décident de faire s'affronter jusqu'à la mort deux équipes de gladiateurs modernes dans un show télévisé. Ce jeu mortel s’appelle « Peace Game ».

Vous ne rêvez pas : 30 ans avant tout le monde, Watkins prévoyait les reality shows mettant en avant de pauvres quidam à qui on appliquerait des tortures physiques et morales. Si nous n’en sommes pas encore au niveau de la guerre, certaines émissions n’hésitent cependant pas à exiger l’extrême de leurs candidats, et cela s’empire au fil des ans… Fidèle à ses thèmes, Watkins se sert de l’actualité comme prétexte pour attaquer les médias et les pouvoirs politiques, sous n’importe quelle forme : capitalistes, communistes mais aussi anarchistes, car comme le dit un personnage à la fin du film : « Que ce soit ce système ou un autre, ils sont tous semblables… » Watkins rejette donc les idéologies préconçues mais n’estime pas qu’un renversement du pouvoir serait la solution idéale, contrairement aux accusations qu’on lui portera deux ans plus tard avec Punishment Park…

D’un point de vue scénaristique, Watkins se sert encore et toujours de données scientifiques pour appuyer ses idées altermondialistes. Un message pas toujours subtil mais qui a le mérite d’être honnête. Sans compter qu’ils véhiculent d’autres messages : la paix, l’amour comme solution, le fait que la solution de nos problèmes se trouve dans un discours clair et chaleureux…Watkins est un intello mais aussi un sentimental, et jamais encore il n’avait été aussi philanthropique dans ses films, ce qui peut paraître un brin désuet avec du recul, surtout que son discours anti-guerre est des plus virulents et inoubliables.

Visuellement, Watkins reste cantonné à son style, c’est-à-dire très télévisuel pour coller au plus près de la réalité. Il va quand même chercher une stylisation assez nouvelle aussi, notamment au niveau du son et de la musique. Pour ce dernier élément, Watkins devance Kubrick et sa violence sur fond de Beethoven : le massacre de deux traîtres se fait ainsi sur fond de musique classique joyeuse, contraste avec les deux malheureux couverts de sang se faisant battre à mort par la police du Peace Game. La preuve finale que la mort peut être quelque chose de beau, de grand lorsqu’on sait la manipuler correctement (cette scène participera d’ailleurs à l’interdiction du film en Suède… un pays de plus pour le cinéaste).

Moins séduisant que d’autres films de son auteur, The Gladiators a cependant le mérite d’être un suspens habilement construit, un film anti-guerre redoutable, une critique virulente des mass-media et le travail d’un cinéaste sur son propre art. Car The Gladiators ne doit son inspiration qu’à lui-même, et ça pour un film, ça vaut tout l’or du monde.

Note : ***

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