dimanche 7 décembre 2008

Vicky Cristina Barcelona


Woody continue son tour de l’Europe, et après la grisaille anglaise il propose le soleil espagnol. Et visiblement, ça lui fait du bien – et donne des idées coquines avec Vicky Cristina Barcelona !

Depuis Match Point, on sait que Woody change pas mal de choses à son univers de film en film : univers plus sombre, moins drôle, plus cynique, moins jazzy, plus européen. Pour le meilleur et pour le pire. Mais cela n’empêche qu’après une trilogie anglaise en pente descendante, on se demandait si le soleil espagnol allait lui faire du bien, d’autant que le budget serait raisonnable (Barcelone a en effet offert 2 millions d’euros des Fonds Publics pour que le film y soit tourné). L’économie n’a cependant pas été le seul moteur du film : « Lorsque j'ai commencé ce scénario, je n'avais d'autre intention que d'écrire une histoire dont Barcelone serait un personnage clé, confie le cinéaste, Je souhaitais célébrer cette ville que j'aime beaucoup, et ce pays que j'aime en totalité. Cette cité, d'une grande beauté visuelle, jouit d'une ambiance très romantique. C'est seulement dans des lieux comme Paris ou Barcelone qu'une histoire comme celle-ci peut se concevoir. »

D’entrée de jeu, Woody Allen rompt ses habitudes : au lieu d’un générique avec en fond sonore une petite musique de jazz, ou de classique comme il l’aimait récemment, il glisse ici la chanson Barcelona de Giulia y Los Tellarini. Un thème qui revient souvent dans le film pour avoir littéralement séduit Woody Allen. « Tout le monde s'est frotté les mains - les artistes parce qu'on utilisait leur musique, et mon producteur parce que les droits coûtaient moins cher qu'un morceau de Gershwin. » La musique indique cependant en plus la direction que le film va prendre : un ton doux-amer, qui fleure bon le soleil, la belle vie mais aussi le tempérament hispanique.

Le scénario est ici vraiment particulier : si on y trouve une liberté de ton finalement très allenienne, on ne retrouve pas les grands thèmes du cinéaste ou plutôt on les retrouve sous des formes différentes : tout au long du film, on a l’impression que Woody est désespéré, triste de ne pas avoir su jouir de la vie quand il le fallait – ou plutôt le pouvait. C’est finalement assez proche, dans la réflexion de la vie et de la mort, de ses récents films, mais tout de même, c’est déstabilisant et très honnêtement, un peu facile de la part d’un cinéaste qui s’est constamment tourné vers la mort. Il y a ensuite un certain nombre de facilités, une trame narrative assez simple et prévisible et, en ce qui me concerne du moins, une voix-off un peu exaspérante.

Mais comme bien souvent, un film de Allen ne peut se résumer à un scénario : il y a aussi la direction d’acteur et la mise en scène. Cette dernière n’est peut-être pas la plus marquante de Woody, mais il met tellement en avant sa passion pour la peinture qu’on lui découvre une nouvelle facette – preuve s’il en était besoin que Woody peut encore nous surprendre dans ses références culturelles.

Mais l’éclat de Vicky Cristina Barcelona tient avant tout dans son casting. Là aussi les puristes pourront regretter l’époque où Allen choisissait les grands comédiens plutôt que les beaux gosses et les jolies poupées, mais réduire Scarlett Johansson, Pénélope Cruz et surtout Javier Bardem aux apollons et aphrodites du nouveau siècle serait une grave erreur. Johansson confirme ici son rôle de nouvelle muse de Woody, mais se fait tout de même voler la vedette par le trio restant : Rebecca Hall, tout d’abord, superbe bourgeoise tiraillée entre son train-train quotidien et la folie d’une nuit ; Pénélope Cruz irrésistible en artiste névrosée et limite pyschotique ; et Javier Bardem en séducteur romantique. Tous sans exceptions élèvent le film un cran au-dessous, et récitent les délicieuses répliques du cinéaste de manière si naturelle que le film en tire le profit maximum.

Heureusement d’ailleurs, sinon Vicky Cristina Barcelona n’aurait pu être « qu’un film de plus ». Par chance, Woody semble apprécier le soleil, qui lui fait retrouver la joie et l’humour qui manquaient cruellement au profondément déprimant Cassandra’s dream. Et puis reste que Woody Allen est le cinéaste à réaliser un film par an, ce qui reste un véritable exploit. Alors oui, Vicky Cristina Barcelona n’est pas parfait, il ne marquera même pas la filmographie du cinéaste, mais cela fait quand même du bien par où ça passe…

Note : ***

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