jeudi 11 décembre 2008

Coluche : l'histoire d'un mec


La France aime-t-elle les biopics ? Difficile à dire, mais force est de constater que depuis un moment, les films biographiques ont la cote : La Môme a ouvert le bal de manière magistrale (5 Césars, 5 BAFTA, 1 Golden Globe et 2 Oscars + 5 millions d’entrée en France, quand même) et cette année fut gratifiée d’un diptyque sur Mesrine, un film sur Albert Spaggiari (Sans arme, ni haine, ni violence) et, cerise sur le gâteau, le comique préféré des Français, celui qui fait encore rire plus de 20 ans après sa mort, le nommé Coluche.

Ce sont les producteurs Edouard de Vesinne et Thomas Anargyros qui sont à l'origine du projet et qui ont transmis à Antoine de Caunes un scénario qu'ils avaient préalablement commandé au journaliste Diastème. Au départ, il s'agissait d'un biopic retraçant en gros les vingt dernières années de la vie de Coluche, du café de la Gare à sa fin. « Je le lis avec intérêt, d'abord parce que l'auteur est un ami et qu'il a du talent, se souvient le cinéaste, et je trouve qu'il s'est dépatouillé aussi bien qu'il pouvait d'un exercice de style dont, au final, je ne vois pas l'utilité. Je ne vois pas pourquoi passer par la fiction pour raconter une histoire que l'on connaît à peu près tous, autour d'un personnage qui n'a pas de zone d'ombre à ce point profonde pour qu'on y fasse descendre le bathyscaphe. J'ai vu quinze documentaires sur Coluche, je sais à peu près tout sur lui alors pourquoi moi spectateur irais-je voir un film sur lui au cinéma. Je décline donc, dans un premier temps. Mais en même temps ça me titille. L'idée se met à germer et je me dis qu'il y a quelque chose à faire sur cette période du passage des années 70 aux années 80, celle où la vieille France bascule, où Coluche bascule et où j'entre dans la carrière - sur ce Coluche que j'ai admiré, que j'aime, et dont la parole manque cruellement aujourd'hui. Alors j'y réfléchis et à un moment, bingo, je me dis : "bon sang mais c'est bien sûr !" Là où il y a quelque chose à raconter sur Coluche, là où il est au carrefour de choses qui le dépassent complètement, qu'il va affronter et qui vont complètement le casser en deux, bref là où il y a une dramaturgie, c'est le moment des élections. Depuis le moment où, sur un coup de tête, il décide, pour foutre la panique et s'amuser, de se présenter aux élections présidentielles, jusqu'au moment où il renonce. Ce qui se passe pendant ces quelques mois l'a transformé profondément, lui a fait perdre de la légèreté, de la grâce, de l'insouciance, lui a fait connaître le tourment. Et là pour moi il y avait soudain un film sur un homme confronté à ses contradictions, à la réalité, sur une toile de fond politique qui à mes yeux a une résonance aujourd'hui et à ce moment-là, finalement, j'ai dit oui aux producteurs. »

Pourtant, le film manque de ne pas sortir au dernier moment : Paul Lederman, l'ancien producteur et imprésario de Coluche (dont le nom est changé dans le film car il n’avait pas donné son accord), engage une procédure judiciaire à l'encontre de la société Cipango, productrice du film. Raison invoquée à cette assignation en référé : l'utilisation en sous-titre du film de la formule "l'histoire d'un mec", formule qu'il dit lui appartenir en tant qu'éditeur du sketch Histoire d'un mec sur le pont de l'Alma. L'imprésario, également connu pour ses différends avec Les Inconnus, a non seulement réclamé que cette mention soit retirée du titre mais aussi que Cipango lui verse la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon. Heureusement, le 14 octobre 2008, veille de la sortie du film, Lederman est débouté et le film peut sortir sereinement.
Heureusement ? Oui, pour François Xavier-Demaison. Ce dernier domine effectivement tout le film : il ne joue pas, il est Coluche. N’ayant pas eu peur de prendre 14 kilos pour le rôle, c’est surtout dans le travail de la gestuelle et, encore plus, dans celui de la voix que Demaison parvient à s’effacer la plupart du temps et faire croire au vrai Coluche. Performance élevée, superbe, qui mérite vraiment d’être récompensée aux prochains Césars tant un jeu d’acteur pareil est rare en France. A ses côtés, les excellents acteurs que sont Alexandre Astier ou Olivier Gourmet font parfois office de figuration (moins Gourmet quand même).

Là où le film s’affaiblit, c’est dans le reste. Mais vraiment : tout le reste. La mise en scène de De Caunes, par exemple, très académique, qui se veut proche du reportage avec sa caméra à l’épaule mais n’apparaît en réalité que comme une succession de tableaux où Demaison écrase tout, capte le regard du spectateur et ne le laisse plus partir ailleurs. Sans oublier ses énormes facilités, comme ce plan final montrant Coluche observer un clochard faire les poubelles pour se nourrir et conclure par le message « 4 ans plus tard, Coluche fonda les Restos du cœur… Dont le succès ne s’est malheureusement jamais démenti ».

Mais ce qui m’a gêné le plus, c’est sans conteste le scénario. L’idée de montrer comment Coluche, icône nationale, sombre petit à petit dans la déchéance à cause de diverses pressions, est intéressant ; inutile, mais intéressant. Tout le monde sait que Coluche a déconné après les présidentielles, il l’avouait lui-même. Mais le problème n’est pas là ; le problème selon moi est dans le côté « anar » que De Caunes veut donner au film : en gros, la droite c’est des gangsters, la gauche des hypocrites et les flics des pourris. Avec Coluche, la France ne serait pas là où elle en est actuellement ! Voilà comment résumer le discours du film, peut-être vrai mais de toute façon impossible à dire. Ce discours est d’autant plus problématique qu’il canonise Coluche, l’élève même au rang de martyr. Moyen moyen.

Dommage donc que l’ensemble du film ne soit pas à la hauteur de l’interprétation de François-Xavier Demaison, véritable surprise d’un film qui enfonce des portes ouvertes et se sert d’une histoire parallèle pour mettre en avant des opinions politiques qui n’avaient pas nécessairement leur place dans ce récit. Un film patibulaire, mais presque.

Note : **

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