samedi 25 novembre 2006

La Dolce Vita


En 1960, un film italien souleva un polémique incroyable lors de sa sortie. Outre son caractère libertin, le film était aussi d’un style nouveau, un peu déconnecté de la réalité, quelque chose de jamais vu auparavant, surtout de la part d’un cinéaste rôdé au cinéma social comme Federico Fellini. Et c’est ainsi que La dolce vita entra dans la légende du cinéma…

Il faut dire qu’après des films comme I Vitellonni, Il Bidone ou encore La Strada, on n’attendait pas une œuvre pareille du cinéaste, formé chez Roberto Rossellini de surcroît. La dolce vita marque pourtant la transition d’un style à un autre, d’un univers concret à un plus fantasmé. Le passage de l’un à l’autre s’opère délicatement mais inexorablement. C’est à ce moment-là que le public se divisera : il y aura les amoureux de Fellini, et ceux qui ne l’aiment pas. Aucune demi-mesure pour ce cinéaste devenu unique.

Comme dit précédemment, le film, qui se présente comme une dénonciation violente et très crue des moeurs contemporaines, souleva une vive polémique. Avant même que le film ne soit projeté durant le Festival de Cannes, de nombreux bruits courent concernant le caractère outrancier de l'oeuvre. Les milieux aristocratiques et ecclésiastiques s'indignèrent de son exubérance et de sa sensualité, le Vatican considéra même le long métrage comme pornographique et blasphématoire et faillit excommunier Federico Fellini. Il se défendit : "J'ai toujours déçu les amis et les journalistes en disant que la Rome de La dolce vita était une cité intérieure et que le titre ne comportait nulle intention moraliste ou dénigreuse : il entendait surtout dire que, malgré tout, la vie avait une douceur bien à elle, profonde et indéniable." Mais cela ne s’est pas arrêté là : en plus d’un événement cinématographique, le film est rapidement devenu un phénomène de mode : il a contribué à populariser les termes "paparazzi", (dérivé de Paparazzo, du nom de l'ami photographe de Mastroianni) et "dolce vita" (qui se souvient du titre français La douceur de vivre ?). Fellini s’amusait lui-même de voir le nombre de journalistes et autres qui le suppliait (voir lui proposait de l’argent) de les emmener découvrir les secrets de la Via Veneto ; lui qui leur disait ignorer comment y accéder n’osait pas imaginer leurs déceptions s’ils venaient à apprendre que tout cela n’était que le fruit de l’imagination de Fellini et non la réalité !

La narration du film est, pour l’époque, remarquable. Tout d’abord, rares étaient les films à atteindre une telle durée. Ensuite, La dolce vita n’est pas un film classique dans ce sens où il ne constitue pas une histoire en un seul bloc mais une suite de séquences indépendantes les unes des autres formant un tout cohérent. Fellini reprendra ce principe de « coupures » dans ses films à venir, ce qui deviendra un peu sa marque de fabrique.
Fellini crée également des images inoubliables : la scène, très érotique, dans laquelle Anita Ekberg se rafraîchit dans la fontaine de Trevi fait partie des plus grandes scènes du septième art ; l’orgie finale illustre la décadence comme Fellini l’affectionne et la remontrera dans ses films suivants ; enfin, le Jésus de pierre immense survolant Rome est mémorable.

La dolce vita marque aussi la première collaboration du réalisateur Federico Fellini et du comédien Marcello Mastroianni. Suivront cinq autres films : 8 ½, où Mastroianni n’interprète rien de moins que le double cinématographique de Fellini, Fellini Roma, La Cité des femmes, Ginger et Fred et Intervista, où il retrouve d’ailleurs Anita Ekberg à travers une séquence mémorable rendant hommage à la célèbre scène de la fontaine de La dolce vita justement… Il trouve ici un rôle sur mesure pour son talent, ce journaliste raté qui rêve d’autre chose, mais qui se complaît dans la décadence de son quotidien, passant par une multitude de sentiments, entre incompréhension et haine, envie et honte. Le film révéla aussi au grand public une actrice suédoise relativement méconnue jusqu'alors : Anita Ekberg. L'acteur américain Lex Barker, incarnation cinématographique de l'homme-singe Tarzan dans les années 50, apparaît en clin d'oeil. Federico Fellini rend également hommage au cinéma bis italien en donnant un petit rôle au comédien Jacques Sernas, qui incarne un jeune premier dans le long métrage. Enfin, Fellini fait déjà la part belle aux actrices, dont la plupart sont de fidèles collaboratrices du cinéaste : Anita Ekberg pour Boccace 70 et Intervista, Anouk Aimée pour 8 ½ et Magali Noël pour Satyricon et Amarcord.

Mais ce ne sont pas les seuls habitués : depuis son premier long métrage, Fellini confie la musique de ses films à Nino Rota, célèbre compositeur qui travailla également avec Luchino Visconti (Rocco et ses frères, Le Guépard) ou Francis Coppola (Le Parrain). Le compositeur travaille ainsi sur quinze films du réalisateur. Une collaboration qui dura près de 35 ans, et qui fut tellement fructueuse que l’on peut difficilement les dissocier l’un de l’autre.

La dolce Vita a enfin remporté à l'unanimité la Palme d'Or du Festival de Cannes 1960, devançant une concurrence pourtant très relevée qui comprenait notamment Ben-Hur, La Source et L' Avventura. Le film a en outre reçu deux ans plus tard l'Oscar des meilleurs costumes décerné à Piero Gherardi. Une œuvre qui a largement dépassé l’entendement, puisqu’elle est entré aussi vite dans le langage courant que dans la légende du cinéma. Rares sont les œuvres qui peuvent se vante d’en avoir fait autant.

Note : *****

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