mardi 21 novembre 2006

John McCabe (McCabe & Mrs. Miller)


Western d’anthologie et second chef-d’œuvre d’une longue liste pour Robert Altman que ce John McCabe.

Fort de son succès critique et public avec M.A.S.H., Robert Altman pouvait alors décider de ses nouveaux projets, du moins insufflé à ceux qu’on lui proposait sa propre vision des choses. Le coup de grâce fut accordé par Warren Beatty qui rêvait non seulement de tourner avec sa compagne d’époque (Julie Christie) mais aussi avec Robert Altman. Ainsi naquit John McCabe.

Voici donc lancé ce western mettant en scène un joueur de poker qui décide d’ouvrir son saloon, lequel servira de lieu de rassemblement pour poivrots, joueurs et accessoirement de bordel.

Le génie du film, et le génie d’Altman par la même occasion, est de refuser le conventionnalisme des genres : John McCabe, c’est un peu l’antithèse des westerns. Il faut dire qu’à l’époque, impossible de revenir à un schéma classique style John Ford ; reste donc à Altman la route violente dominée par Peckinpah ou la route italienne tracée par Leone. Altman lui refuse ces deux voies et crée la sienne, et c’est tant mieux ! Fini les duels au soleil, les serpents à sonnettes en dessous des cactus, les grandes attaques de banque, les vengeances sous un soleil de plomb accompagnée d’une musique à l’harmonica, la course après un magot ou la fin d’une époque ; dans John McCabe, on quitte les déserts pour les montagnes, le soleil pour la neige, les héros tireurs d’élite pour un petit magouilleur qui ne cherche qu’à gagner de l’argent.

Dans John McCabe, ce son tous les travers de l’Amérique naissante qui sont dépeints : la lâcheté humaine, le mépris de la vie, la misogynie, la naissance du capitalisme… Autant de thèmes qu’Altman aborde avec son génie satirique habituel.

D’un point de vue interprétations, il faut dire qu’on est gâté : le duo Beatty-Christie est tout simplement remarquable ! Charismatique l’un indépendamment de l’autre, les quelques confrontations entre eux n’en deviennent que plus mémorables, jubilatoires, mythiques. Pourtant, ce fut le plus gros souci d’Altman, tant leurs styles de jeu étaient différents : Christie était excellente dès la première prise, mais Beatty s’améliorait de prise en prise lui. Le perfectionnisme de Beatty et son souci de tout savoir sur tout plomba un peu l’ambiance du plateau, Altman finissant par se venger dans la scène finale où Beatty tournait dans la neige : une scène répétée près de 25 fois…

Concernant la réalisation, on assiste à la même démonstration de talent : Robert Altman est un génie et il le prouve ! D’abord par cet atmosphère qu’il distille, cette ambiance à la fois familiale mais malsaine où en vérité c’est chacun pour soi et tant pis pour les autres ; tout le monde n’est pas comme ça mais bon. Ensuite viennent les chansons de Leonard Cohen, à la fois mélancolique et crépusculaire, symbolisant la mort d’une époque, celle du grand Ouest ; à noter aussi la corrélation entre le temps et la météo (la neige symbolisant l’hiver, lui-même symbolisant la mort de toute chose donc de l’Ouest et de sa grande époque). Enfin, Altman réalisa surtout un travail précis au niveau du son et de l’image : il obligea en effet son chef op’ à vieillir l’image en lui donnant un aspect jaunâtre, histoire de faire plus réaliste ; même chose pour les sons extérieurs, quasi-inaudibles, qu’Altman refusa de retoucher.

Un film fantastique donc, chef-d’œuvre du genre et du cinéaste déjà iconoclaste et assez irrévérencieux pour chambouler les codes du genre ; on l’en remercie.

Note : ****

1 Comment:

Atef Attia said...

Excellente critique mon ami. J'ai découvert tardivement ce film après en avoir entendu parler à peu près partout.
il faut signaler aussi que ce film s'inscrit dans l'aube de ce qu'on appelait alors ''le nouvel hollywood'' dont Warren Beatty était l'un des principaux instigateurs avec ''Bonnie and Clyde'' et de ce fait, les réalisateurs de l'époque avaient quasiment carte blanche pour proposer et imposer leur vision des choses, d'ou ce refus catégorique de toutes les conventions et traditions, y compris dans le registre hyper balisé du western.