mercredi 24 décembre 2008

Angel

Sans exagération, on peut dire qu’il existe deux François Ozon, différents dans leur démarche (un plus cérébral et un plus cinéphile) mais indissociables au demeurant. Avec Angel, c’est le Ozon cinéphile que l’on retrouve, mais hélas pas en grande forme.

Ce qui ne manquera pas de frapper les plus attentifs de prime bord, c’est effectivement les références (au niveau de la forme j’entends) à la période anglaise d’Hitchcock et à La splendeur des Amberson d’Orson Welles. Evidemment, il n’y a pas que cela : on peut aussi sentir l’influence (avouée) des Quatre filles du Dr March de Mervyn LeRoy, le Château du dragon de Joseph Mankiewicz, Autant en emporte le vent de Victor Fleming ou encore Gigi de Vincente Minnelli et Le temps de l’innocence de Martin Scorsese.

Voilà qui fait beaucoup de références visuelles. Sur le fond, l’adaptation du roman homonyme de Taylor semble être des plus fidèles, d’autant que le livre était un défi des plus intéressants pour le cinéaste comme il l’explique : « j'ai tout de suite senti que l'adaptation de ce livre était l'occasion de me confronter à un univers romanesque et que cela pouvait donner lieu à une grande épopée, dans la tradition des mélodrames des années 30-40, racontant la destinée d'un personnage flamboyant sous forme de ?rise and fall? (grandeur et décadence). Et puis je suis tombé amoureux du personnage d'Angel, qui m'amusait, me fascinait et finalement me touchait profondément. J'ai donc demandé à mes producteurs d'acheter les droits (que je pensais d'ailleurs pris aux États-Unis). »

Tout ça c’est bien joli, mais en somme que donne Angel ? Une sale impression de neutralité justement. C’est beau, ça veut renouer avec une certaine forme de cinéma d’autrefois mais au final, Ozon semble s’effacer complètement et le film aurait alors pu être réalisé par n’importe quel brillant technicien. Bien sûr, il y a de temps à autre de petits éléments qui nous rappellent un univers personnel (le déchirement des personnages, l’homosexualité latente de l’amie d’Angel) mais on est bien loin du Ozon pur jus, lequel cède trop la place au mélodrame alors qu’il aurait pu rester, comme il sait très bien le faire d’ailleurs, au drame.

Le casting laisse lui aussi un drôle de sentiment : d’une part, on aime les performances de Sam Neill, Michael Fassbender et surtout Lucy Russell mais on est un peu frustré de ne pas profiter plus de Charlotte Rampling et, surtout, l’actrice principale laisse perplexe : faut-il crier au génie ou à la caricature ? Romola Garai, illustre inconnue, frôle en effet la perfection à certains instants puis, le temps d’une scène suivante, surjoue, éclate, en fait beaucoup trop et du coup crée une distance trop importante entre elle et le spectateur. Son personnage trouble était du pain béni, elle en fait une tartine aux croûtes un peu trop dures.

Le constat est donc sévère mais sincère : Angel est superficiel. Comme son personnage, en effet, mais une telle maîtrise technique de la part d’Ozon méritait mieux comme toile de fond. On assiste à un spectacle trop long, admirable mais finalement creux et, surtout, déjà vu.

Note : **

0 Comments: