vendredi 26 décembre 2008

Blindness


14 mai 2008, Cannes, France. Blindness fait l’ouverture du plus célèbre Festival de cinéma du monde, et est aussi en compétition officielle. Le réalisateur : Fernando Meirelles, 52 ans au moment des faits. S’est fait connaître du grand public quelques années auparavant avec la claque Cidade de Deus, et a déjà mitigé avec son second film The Constant Gardener. Blindness vient d’anéantir sa réputation.

A l’origine, un roman : L’Aveuglement, du Prix Nobel de Littérature José Saramago. Depuis 1995, Meirelles fait des pieds et des mains auprès de l’auteur pour l’adapter, sans succès jusqu’en 2007. Dès lors, la production se lance avec un casting somptueux et digne de confiance : Julianne Moore, Mark Ruffalo, Danny Glover, Gael Garcia Bernal et le sous-employé Maury Chaykin. Préparation intensive pour l’occasion : les acteurs ont suivi plusieurs stages pour s'entraîner à agir comme des aveugles. Ils ont ainsi évolué quelques heures avec des bandeaux sur les yeux pour se familiariser avec les mouvements d'un aveugle. En outre, pour mieux appréhender la sensibilité du corps d'un aveugle, l'équipe a conseillé aux acteurs de visionner le documentaire Black Sun, sur l’histoire d'un peintre devenu aveugle.

Mais les problèmes commencent à Cannes, déjà : le film reçoit un accueil des plus mitigés, si bien que Meirelles décide de retoucher le montage original de son film : il supprime une voix-off initiale, coupent certaines scènes et en rajoutent d’autres initialement délaissées. Quelques mois plus tard, Marc Mauer, President de la Fédération Nationale des Aveugles aux Etats-Unis, dit en conférence de presse que la fédération « condamne et déplore » ce film et le livre dont il est tiré, où la cécité est utilisée comme « métaphore de ce que l’homme peut avoir de prie en pensées et en actes », où les personnages sont « unidimensionnels » et où les aveugles sont « représentés comme incompétents, vicieux et dépravés » ce qui entraîne des manifestations s contre le film. De ces éléments perturbateurs, Meirelles aurait du retenir au moins une chose : le film n’est peut-être pas si bien fait que cela.

Pourtant, le film démarre pour le mieux : une ambiance très vite installée, un récit qui commence sans mise en place préalable (ce qui plonge le spectateur dans le vif du sujet), un certain rythme, une première caractérisation des personnages vite établie (la seconde venant tout au long du film)… Et même plus tard, il y a encore de bons éléments : une tension palpable, des acteurs convaincants (et impliqués : certains acteurs portaient au tournage des lentilles qui leur cachaient la vue, ce qui leur permettait de se concentrer sur la cécité tout en gardant les yeux ouverts) et une métaphore de la cécité et de la vraie nature de l’homme. Des thèmes audacieux, très intéressants mais surtout très casse-gueule.

Hélas, Meirelles n’est pas aussi funambule qu’il a pu l’être sur Cidade de Deus : ici, il sombre rapidement dans certaines facilités, annoncent trop longtemps à l’avance des effets à venir (la paire de ciseaux notamment) et, surtout, sombre parfois dans l’excès, comme ce couple d’aveugle faisant l’amour dans des excréments ou, bien pire, cette scène insoutenable de viol collectif qui dure (on en a l’impression en tout cas) trop longtemps, où une certaine hypocrisie règne (on ne voit rien, que des ombres, mais les cris des femmes sont poussés à leur paroxysme) et qui se termine par le meurtre d’une femme le crâne fracassé à coups de poings (et ça, face caméra). Ironie de voir un film sur la cécité viré autant dans le voyeurisme. On pourra aussi reprocher une baisse de rythme dans le milieu du film, et un final un peu trop prévisible qui tente de passer par une pirouette finale dans le tout dernier plan.

De grandes idées mal exploitées ; voilà ce qui peut résumer Blindness, film épineux, trop peut-être pour un cinéaste qui nous avait paradoxalement bluffé avec sa vision des favellas lors de son premier film et premier coup de maître. Une erreur de parcours, espérons-le.

Note : **

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