lundi 2 janvier 2006

Trois enterrements (Three Burials of Melquiades Estrada)


La confirmation du génie d’un scénariste et la révélation des dons de metteur en scène de Tommy Lee Jones que ces Trois enterrements.

A la plume, un certain Guillermo Arriaga, scénariste devenant de plus en plus culte à travers le monde. Les raisons d’un tel succès ? Une collaboration fructueuse avec le prodige Alejandro Gonzalez Innaritù sur Amours chiennes et 21 grammes et maintenant le Prix du meilleur scénario à Cannes 2005 pour ce film.

Devant et derrière la caméra, un artiste qu’on ne présente plus : Tommy Lee Jones. Acteur plébiscité, aussi à l’aise dans le cinéma pop-corn (Men In Black, Le fugitif pour lequel il a reçu l’Oscar du meilleur second rôle) que dans celui dit « d’auteur » (JFK en tête), il faisait partie de ceux qui n’avait pas encore franchi le pas de la réalisation. Il faut dire qu’à ce niveau, c’est quitte (Denzel Washington…) ou double (Georges Clooney…).

Heureusement, Tommy Lee Jones sait choisir ses collaborateurs. Et, à la vue du film, sait même en tirer le meilleur (Barry Pepper, pas toujours top, trouve pourtant ici le meilleur rôle qu’il ait jamais eu).

Bien sûr, le synopsis de base peut faire songer à un road-movie dramatique ou presque : un cow-boy solitaire veut ramener le corps de son ami défunt, malencontreusement abattu par un garde frontalier près du Mexique. Sauf que c’est mal connaître Arriaga de se baser sur un récit simple pour faire une histoire. A départ simple (pour ne pas dire simpliste), construction et développement complexe, qu’on se le dise !

Voilà donc le jeune garde, à la vie amoureuse chancelante, qui se retrouve traîné jusqu’au Mexique avec un cadavre sur la décision de Tommy Lee Jones, qui tire malgré lui toute la couverture du film. Impeccable Jones, qui visiblement est un artiste autodidacte, offrant le meilleur de lui-même… à lui-même. Il est normal de voir en lui un bon acteur ; il est fréquent de le voir qualifié de « surdoué ». Avec ce film, c’est l’apogée de son jeu d’acteur qu’il atteint, offrant un portrait tout en nuance et désillusions d’un antihéros fatigué, désabusé par le monde moderne, trahi par ses sentiments et ses rêves. A lui seul, le personnage de Pete Perkins vaut le détour, concentré d’être humain vraiment humain, aux principes et aux valeurs qui tendent à disparaître comme l’amitié, la fraternité, la loyauté, l’amour…

A la caméra, Tommy Lee Jones parvient tout d’abord à magnifier une région aride, sans vie, presque désolante pour en faire, tel une toile de maître, un décor essentiel, un personnage à part entière. On en est pas encore au stade de David Lean qui rendait un grain de sable merveilleux dans Lawrence d’Arabie mais on s’en approche doucement. A un rythme qui aurait pu être effréné, Jones oppose pour un tempo lent, calme, serein, telle une rivière coulant dans la vallée. Il opte également pour la décomposition narrative d’Arriaga, expert dans le domaine, qui confère au film un aspect de nostalgie, comme si l’hommage au western crépusculaire n’était déjà pas flagrante.

Arriaga c’est aussi le contestataire, l’anarchiste qui n’a pas peur de dénoncer les injustices. Outre le problème de l’immigration et de la condition mexicaine, Arriaga dépeint une société de plus en plus opaque,

refusant l’intégration. Mais Arriaga est également un philanthrope, et Trois enterrements ressemble beaucoup plus à un voyage initiatique, à un parcours humain vers la compréhension de soi et de l’autre qu’à un discours agressif.

Des propos que Jones a compris et qu’il met en avant avec une direction d’acteur irréprochable, et une mise en scène toute en sobriété et humanité, jouant ça et là avec nos émotions pour nous faire rire, pleurer et réfléchir. Le propre des grands artistes…

Note : ****

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