vendredi 20 janvier 2006

Match Point


Le très grand retour de Woody Allen que ce Match point !

Il faut dire que depuis quelques années, Woody ne nous avait plus vraiment séduit comme autrefois : Escrocs mais pas trop, Le sortilège du scorpion de Jade, Hollywood ending… Sympathiques mais sans plus. Pas de quoi se relever la nuit, vraiment. Alors bon, voilà que pour ce film il quitte sa Big Apple pour le brouillard anglais, avouez que ça nous laissait perplexe un Allen sans New-York en toile de fond ! Alors on ose quand même demander une place pour le film… et quelle claque positive !

A croire que l’air pur (et humide) de Grande-Bretagne et un peu de sang neuf dans les acteurs a revigoré le petit Juif !

Ne vous trompez quand même pas : Match point n’est pas une comédie. Même s’il n’est pas fini, il est bien loin le temps où on apprenait que Woody était le caméléon Zelig, où il copiait Castro ou encore où on apprenait que faire l’amour avec lui était kafkaïen… En plus Woody ne joue même pas… Mais soit, le résultat est là, Allen est bel et bien de retour dans la cour des grands !

Pour son histoire d’abord : cette fois encore l’influence de Dostoïevski est flagrante, elle qui avait déjà inspiré tout le récit de Crimes et délits. Ici encore, le style de l’écrivain se fait ressentir dans le film, surtout qu’Allen annonce clairement la référence en faisant lire Crimes et châtiments à Chris dès le début du film.

Allen quitte aussi la religion, sujet futile pour lui maintenant (« la foi est le miroir de nos illusions » dixit le cinéaste) pour s’attarder un peu plus sur un phénomène étrange : la chance. A noter une scène d’intro remarquable ou une balle de tennis vient rebondir sur un filet ; de quel côté va-t-elle tomber ? Si c’est de l’autre côté, on a gagné ; si c’est du nôtre, on a perdu. Et la vie, c’est comme une balle de tennis : on va dans tous les sens, parfois vite parfois non, et on attend un coup décisif qui marquera la fin de notre vie, un point de match.

Vient ensuite la réalisation. Allen, on fera ce qu’on voudra, c’est un homme, et comme tout homme il vieilli et mûrit. En découle dès lors une réalisation beaucoup plus calme, plus sobre, proche de l’académisme ; tant mieux, le récit supposait justement ce genre de mise en scène. D’autant qu’Allen garde son style, tant par les thèmes abordés que par quelques dialogues bien sentis (rares mais bien présents).

Et pourtant la classe du film ne réside pas uniquement là : elle tient surtout des interprétations d’une brochette d’acteurs tous au plus incroyable les uns que les autres. Trio vainqueur : Jonathan Rhys-Meyers, tout en subtilité (décidemment il m’impressionne depuis Velvet Goldmine lui), Scarlett Johansson, d’une rare sensualité (et aussi belle que talentueuse, c’est dire), et Emily Mortimer, d’une justesse sans égale. Ajouter à cela un Matthew Goode remarquable en bourgeois sympa mais cynique, et un Brian Cox en père relax hélas trop rare.

Direction d’acteur remarquable, réalisation qui égratigne plus les arrivistes que le milieu bourgeois (bien qu’il ait aussi deux ou trois petites attaques en règle) et scénario à tendance pessimiste, machiavélique et à l’humour aussi noir que la mort, Match point prouve un retour en forme de Woody Allen ; en espérant que ça va durer, le film fait jeu, set et match.

Note : ****

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