vendredi 20 janvier 2006

Le monde de Narnia : chapitre 1 - Le lion, la sorcière blanche et l'armoire magique (The Chronicles of Narnia : The Lion, the Witch and the Wardrobe)


Il est de ces films, péjorativement nommés « ersatz », qui n’aurait jamais au grand jamais vu le jour sans le succès d’un autre film. En bon cinéphile, on peut dire sans se tromper que Le monde de Narnia fait partie de cette détestable catégorie.

Comme tout le monde l’aura remarqué, Narnia est un peu le Seigneur des Anneaux pour enfants de moins de 10 ans. Il faut dire que ça se chamaillait déjà dur entre Tolkien et C.S. Lewis à la sortie de leurs livres respectifs, ressemblant étrangement l’un à l’autre. Forcément, le résultat s’en fait ressentir ici.

On propose donc dans les studios Disney, après les quelques centaines de millions gagnés par la trilogie de Peter Jackson, de réaliser leur propre série de monstres à gogos et d’actions braves et mythiques. Petit bémol : on est chez Disney ! Je vous éviterai donc les passages récurrents de manichéisme dégoûtant, de bons sentiments exacerbés et également dégoûtant sans oublier la platitude du propos (une famille, quoiqu’il arrive, ça doit rester soudée !). Ah oui, pour conclure la série des erreurs : c’est Andrew Adamson, chouette réalisateur… d’animation (série des Shrek) qui se colle à la mise en scène.

L’avantage, c’est que les effets spéciaux sont réussis. Il en aurait été sûrement autrement si ce n’était pas la majorité de l’équipe du Seigneur des Anneaux, qui réchauffe quelques maquillages pour l’occasion, en charge de cette lourde responsabilité. Car oui il faut bien le dire, les effets spéciaux et les maquillages sont les seuls intérêts du film, et la seule raison qui empêche le film de sombrer d’ores et déjà dans l’ombre.

Pourquoi ? Parce que rien ne suit. Ni la mise en scène, ni les acteurs, ni le scénario.

La mise en scène est un échec en ce sens qu’elle ne cherche pas, d’une part, à donner un quelconque relief au récit pensant qu’il se suffira à lui-même : grave erreur. D’autant que de la part du réalisateur des Shrek, on était en droit de s’attendre à de l’insolent, au minimum à de l’inventivité en tout cas ; rien, absolument rien ! A croire que Disney l’a placé là dans le but d’attirer le public… Qui ignore le plus souvent le nom des réalisateurs d’animation…

Viennent ensuite les acteurs, pauvres enfants perdus dans cette grosse production qui n’ont même pas un air de ressemblance… Grave pour quatre frères et sœurs… Et puis on ne peut pas trop les blâmer, leur première apparition devant une caméra se faisant avec des personnages stéréotypés au possible (la petite sœur incomprise, le moyen jaloux du grand frère, la grande sœur récalcitrante à l’aventure) et face à une Tilda Swinton qu’on a connu bien plus inspirée et qui, malgré elle, ne convient absolument pas au rôle. Sans chercher à être méchant, ce sont encore les effets digitaux les plus crédibles…

Vient finalement le scénario, si on peut appeler ça comme cela, inégal et inabouti. Beaucoup trop facile dans sa construction (telle réplique sera réutilisée plus tard dans un but comique, etc.) et beaucoup trop faible dans son rythme (un début très long pour un final déjà plus équilibré), le scénario est surtout prétexte à une succession de scènes fortes, du bombardement de l’Angleterre du début à l’unique moment intéressant du film : la bataille dans la plaine. Calquée Seigneur des Anneaux mais pour petits, cette scène est visiblement le seul point sur lequel misait les producteurs, espérant ainsi attirer le même nombre de spectateur que Le retour du Roi sans doute. C’est peut-être aussi le seul moment du film où il semble y avoir une envie de mettre en scène et de monter quelque chose… On regrettera aussi, et c’est là que le bât blesse vraiment, un réel manque de profondeur dans le discours, une histoire toute en surface sans aucun message même destiné aux enfants. Le Seigneur des Anneaux avait au moins la délicatesse de contenir quelque chose d’un peu psychologique, d’un peu trouble dans son univers, élément que Disney a fait disparaître au profit d’un récit nunuche où quasiment rien ne se passe.

Je crois qu’il vaut mieux en rester là, par respect pour ceux qui aimeront le film. Pour les autres, une dernière anecdote : le budget du film est estimé à 160 millions de dollars. Ce qui représente 130 Free Zone d’Amos Gitaï ou 8 Sideways d’Alexander Payne ou encore 6 Closer de Mike Nichols, sans compter la multitude de Broken Flowers, Trois enterrements et autres Match Point réalisables avec un tel capital. Dur dur d’être un auteur intègre qui ne se complaît pas dans le système mal géré de l’entertainment américain, profit de grosses productions inutiles aux œuvres plus personnelles qui, heureusement, rappellent que le cinéma est considéré comme le septième Art…

Note : * (et je suis très généreux)

0 Comments: