dimanche 13 novembre 2005

Arizona Dream


Une sublime fable sur les rêves que cet Arizona Dream.

Il faut tout de même préciser que pour son premier film américain, Emir Kusturica ne se refuse rien : Johnny Depp, Jerry Lewis, Faye Dunaway, Lilli Taylor, Vincent Gallo… Excusez du peu !

Il faut dire aussi que déjà à l’époque Kusturica était un vedette : chacun de ses films avait été primé dans un festival important, dont Papa est en voyage d’affaires qui a reçu une jolie Palme d’Or. Quoi de plus logique donc que les USA lui ai fait les yeux doux et ce soit inclinés devant lui.

Inclinés ? Pas tant que ça, car Arizona Dream, même s’il possède une touche un peu plus populaire reste un film de Kusturica : entendez par là un humour décalé, un univers propre au cinéaste et une histoire naviguant entre les eaux du réalisme et du surréalisme… Les Ricains ont donc choisi de couper un peu le film, d’environ 23 minutes ! En regardant le film, je me demande comment ils y sont parvenus…

Soit. L’important c’est que nous Européens sommes un public beaucoup plus sensible aux véritables œuvres d’arts. Car il n’existe aucun doute à ce sujet : Kusturica est un orfèvre du cinéma, et son Arizona Dream est tout aussi sublime que ses autres films.

Ce qui est remarquable, c’est cette façon propre au cinéaste de nous inviter dans un monde qui, de prime abord, paraît peu plausible mais qui, au final, n’est qu’une analyse de la société moderne. Exemple avec le personnage de Faye Dunaway, dont le plus grand rêve est de voler ; rêve de l’humanité entière s’il en est. Vincent Gallo lui veut devenir une star, fait anodin aux Etats-Unis et, grâce à une certaine forme de télévision-poubelle, anodin en Europe aussi. Et pendant que Lilli Taylor court après l’amour, Jerry Lewis cherche à effacer sa dette envers Johnny Depp, lequel ne rêve que d’une vie simple dont il serait le seul et unique maître. Comment ne pas s’identifier à un seul de ces personnages ?

Les acteurs sont par ailleurs excellents, d’une justesse inouïe. Et Dieu sait qu’avec un scénario pareil, pas évident de s’y retrouver.

Car bien sûr, Kusturica garde quelques traces de ses films précédents et qui reviendront par après, notamment la métaphore animalière. Je m’explique : chaque fois qu’un personnage arrive à son stade ultime (rêve réalisé, mort…), un poisson nage dans l’air brûlant de l’Arizona… Métaphoriques et poétiques, ces quelques apparitions nous invitent à rêver nous aussi sur une autre vie ou, plus simplement, une autre façon de voir la vie…

Dans sa réalisation, Kusturica est un poil plus sobre que d’habitude, même si ses délires viennent ci et là parsemer le film. Attention toute particulière aux hommages d’ailleurs (Raging Bull, Le Parrain…) qui parfois partent une parodie – qui est également une marque de défi envers Hitchcock (la scène de l’avion de La mort aux trousses version Kusturica vaut le détour !). Hommages très subtils car ils symbolisent également les réalisateurs phares des USA et les films qui ont forgé une Amérique friande de grands spectacles à tendance intimistes…

Un film splendide donc, qui comme chaque Kusturica mérite plus d’une vision pour être totalement assimilé. Mais s’en priver serait vraiment honteux…

Note : ****

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