dimanche 25 novembre 2007

Predator


Lorsqu’on est enfant, il existe une série de films que l’on ose pas trop regarder (ou qui, justement, titillent notre curiosité malsaine) de par leur réputation de film qui font peur : Alien, Terminator et Predator sont de ceux-là, de ces films dont on connaît le mystère qui les entoure qui fait que seuls les adultes peuvent les voir. Et une fois l’âge adulte atteint, en les voyant, on se dit qu’il s’agit, bien au-delà de films fantastiques qui nous mettent à cran, de véritables perles cinématographiques. Pour cette fois, parlons un peu de Predator.

A l’origine du film, une blague : quelqu’un un jour à Hollywood aurait dit « la seule personne que Rocky n’a pas encore combattu, c’est E.T. ! ». Pas mal comme concept : faire s’affronter à l’ancienne une vedette musclée contre un extraterrestre… Qu’à cela ne tienne, adaptation lancée ! On la confie alors à un cinéaste peu connu, n’affichant qu’un film au compteur (Nomads) : John McTiernan. Histoire d’assurer ses arrières, la 20th Century Fox balance Arnold Schwarzenegger comme vedette principale, l’ « actionman » des années 80 étant sûr d’attirer les foules… Et il se trouve que McTiernan en tirera parti. Toujours est-il que le tournage est lancé : Schwarzi perd 13 kilos pour être en forme et s’entend à merveille avec l’ami John (qu’il retrouvera six ans plus tard dans Last Action Hero après une tentative avortée de porter Commando 2 à l’écran), l’acteur Shane Black passe son temps libre entre les prises à écrire le scénario du Dernier samaritain (adapté par Tony Scott en 91) et Jean-Claude Van Damme, engagé pour être le Predator (dont les mandibules, pour l’anecdote, sont une idée de James Cameron) déclare forfait après deux jours, mécontent d’être crédité comme effet spécial au générique. La 20th Century Fox rappelle quand même à McTiernan qu’il ne peut pas tourner en cinémascope, rapport à la complexité des effets spéciaux ; John, pour se venger, n’hésitera pas à ajouter une version anamorphisée du logo du studio en début de film.

Evidemment, le film sera un succès, appelant une suite directe (Predator 2 en 90) et deux suites parallèles (Alien vs Predator et Alien vs Predator : Requiem). John McTiernan pourra ainsi être engagé sur Piège de cristal et Arnold Schwarzenegger confirmer son rang de dieu du cinéma d’action pour quelques années.

Faut-il pour autant limiter Predator à un vulgaire film d’action fantastique ? Bien sûr que non, car McTiernan (comme James Cameron) n’est pas du genre à faire du service minimum, surtout quand le matériau de base permet quelques réflexions thématiques.

La plus célèbre (et la plus perceptible) chez McTiernan est ici la clé du film : comment l’Homme peut survivre à un milieu hostile et un ennemi invincible en retournant à l’état presque primitif. Ici en l’occurrence, face à un chasseur expérimenté et suréquipé, Schwarzenegger n’aura d’autres choix que de retourner à un esprit sauvage, utilisant des pièges dépassés pour vaincre son adversaire. McTiernan aime le côté « nature », c’est certain (cfr l’immeuble détruit de Die Hard qui évoque une jungle en flammes) et ne se préoccupe guère d’une introduction dans une base militaire pour plonger le plus vite possible ses personnages dans ce milieu hostile. L’opération de sauvetage n’est d’ailleurs qu’un prétexte pour lancer une chasse à l’homme de grande envergure, dominée par le Predator qui élimine une à une ses proies. Un massacre qui participe à la tension du film et qui se passe fréquemment en hors-champ ou du moins hors-cadre, histoire de rendre le film soutenable et, surtout, de ne pas étouffer le message de McTiernan dans un bain de sang inutile par ailleurs. McTiernan prouve donc qu’avec un minimum de moyens naturels (casting réduit, décor unique qui évoque une forme de huis-clos) on peut faire un film prenant et, surtout, intelligent. Il n’en délaisse pas moins pour autant le côté comique qui rend lui aussi le film plus regardable : d’une part le sens de la réplique bien placée (« T’as vraiment pas une gueule de porte-bonheur ! ») et d’autre part, et c’est là que le film est audacieux, dans la démystification d’une icône, Schwarzenegger justement, qui pour la première fois de sa filmographie tombe sur plus fort que lui et ressent la peur. Un refus de facilité (qui aurait poussé n’importe qui d’autre à illustrer Schwarzi comme un commando sans peurs et sans reproches) qui offre au film un degré de réalisme supplémentaire, Schwarzenegger n’étant il est vrai qu’un gibier comme un autre. Une autre nouveauté est d’illustrer un alien intelligent, ne chassant ni pour se nourrir ni pour conquérir mais uniquement pour le plaisir, et qui respecte un code de la morale (il ne tue pas les proies sans armes).

Schwarzenegger qui trouve là sans conteste l’un de ses rôles les plus marquants car, justement, s’il fait étalage de ses muscles, ce n’est que secondaire, ce qui change radicalement de la majorité de ses autres films. Seuls Cameron et Verhoeven parviendront à tirer aussi profit de l’acteur, qui prouve qu’il n’était pas si mauvais que ses détracteurs ont bien voulu le prétendre à l’époque, et encore maintenant dans les parodies. Les effets spéciaux sont également à souligner, car ils sont pour l’époque tout simplement bluffants, notamment l’apparence translucide du Predator et l’effet, basique (encore que, pour l’époque…) mais auquel il fallait penser, de sa vision thermique. La conception même de la créature relève quant à elle de la franche réussite, et on peut avoir une petite pensée pour Kevin Peter Hall qui a du endosser le costume du Predator.

Film phare de l’action des années 80, par son inventivité et sa simplicité redoutable sans oublier les talents conjugués d’un cinéaste et d’un acteur très à l’aise dans le genre, Predator constitue plus qu’un film fantastique une référence dans le survival et surtout le témoignage qu’avec un peu de volonté et de talent, on peut rendre n’importe quel film captivant et qui peut même inspirer une certaine forme de respect.

Note : ****

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