samedi 17 novembre 2007

L'affaire Dominici


Bien avant que Michel Serrault n’interprète le fermier le plus tristement célèbre de France, un autre monstre sacré avait accepter d’endosser ses habits à l’écran : ce monstre sacré n’était autre que Jean Gabin dans L’affaire Dominici.

Rappel des faits : dans la nuit du 4 au 5 août 1952, à quelques kilomètres du village de Lurs en Alpes-de-Haute-Provence, près de la Grand Terre plus précisément, ferme de la famille Dominici, Jack Drummond, sa femme et sa fille sont tués de six balles et d’un crâne fracassé pour l’enfant. Les soupçons se dirigent rapidement vers Gaston Dominici, patriarche et propriétaire de la Grand Terre homme sévère et peu loquace. Accusé par ses deux fils, le père Dominici avoue puis rétracte plusieurs fois ses aveux, sous la pression du commissaire Sebeille. Le procès fait grand bruit, et Gaston Dominici finit par être condamné à mort à l’âge de 77 ans. A peine 15 jours après le verdict, une nouvelle enquête est lancée, pour contrer l’absence de preuves et une série d’invraisemblances qui font douter de la culpabilité du vieil homme. En 1957, le Président Coty commue sa peine et, en 1960, De Gaulle gracie Dominici, qui ne s’expliquera jamais sur ce crime si ce n’est auprès d’un moine qui garda pour lui la confession. Gaston Dominici décédera en 1965. Plusieurs thèses, plus ou moins farfelues, ont été avancées par la police et la presse : crime passionnel, règlements de comptes post-résistance, conflits de famille Dominici et même une thèse politique, où espions et gouvernements seraient mêlés au triple homicide.

Si la thèse politique était l’essentiel du téléfilm avec Serrault, le film de Claude Bernard-Aubert lui tente de ne jamais prendre parti. Je dis bien tente car il sous-entend plus d’une fois la thèse post-résistance, à travers ce groupuscule auquel appartenait vraisemblablement l’un des fils Dominici. Présenté comme un reportage (avec inserts des dates clés), le film s’attarde à illustrer comment un vieil homme s’est retrouvé sur le banc des accusés malgré des preuves absentes ou du moins intangibles. Visiblement convaincu de l’innocence de Gaston Dominici, dont le caractère taciturne n’a certes pas contribué à sa popularité, le réalisateur tente de démontrer en quoi cette parodie de procès qui coûta la fin de vie d’un homme simple était ridicule, et qu’un tel dysfonctionnement judiciaire ne doit jamais se reproduire. L’idée est belle mais traitée avec tant de distance, de froideur presque documentaire que l’on finit par se détacher du film, par ne plus prendre en pitié ce pauvre bougre dont on doute encore, à la fin du long métrage, de son innocence.

Ne tournons pas autour du pot, ce n’est pas tant par son propos que ce film retenu l’attention que par son sujet un peu oublié à l’époque (20 ans après les faits) et surtout son casting. Outre les débutants Victor Lanoux, Gérard Darrieu, Gérard Depardieu ou Jean-Pierre Castaldi, on retrouve dans le rôle principal cette illustration même de ce que devait être le vrai Dominici : Jean Gabin, en bout de course (il décédera trois ans après la sortie du film) et dont la forte tête réputée confère automatiquement à son personnage cette dose d’antipathie qui permets néanmoins au spectateur de ne pas le rejeter. Se laissant aller dans le détestablement correct, économe de discours et de gestes grandiloquents qui ont fait sa réputation, Gabin compose un Dominici tout en retenue, discret et dont on ne sait, au final, pas grand-chose. Comme si, lui aussi, voulait s’effacer derrière le personnage historique afin que chacun s’en forge sa propre opinion. Un tour de force e la part d’un des acteurs français les plus connus au monde.

Sans cet acteur mythique, le film n’aurait peut-être pas traversé les âges, étouffé par le téléfilm récent bien plus prenant et vivant que cette approche aseptisée d’un des grands mystères de la France profonde. Mais dans le feuilleton aussi, c’était Serrault qui l’emportait sur le récit. L’affaire Dominici où la fascination d’un personnage hors du commun.

Note : **

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