mardi 20 novembre 2007

Dobermann


Berceau de la Nouvelle Vague, la France regorge d’auteurs en tout genre au sein de son cinéma, et il semble impossible de tenter quelque chose de différent sans se vautrer royalement. Impossible ? Pas sûr, et j’en veux pour preuve Dobermann.

Aux commandes de l’adaptation de la célèbre bande dessinée de Joël Houssin, Jan Kounen, véritable trublion à l’imaginaire débordant et surtout au style visuel très particulier et à l’humour très mordant (comme le prouvent ses courts-métrages d’ailleurs). Sans peur et sans reproches, cet ancien de la publicité décide donc de réaliser un immense clip de 1h40 sur les aventures d’un voyou et de sa bande face à un flic plus pourris qu’eux.

Dès le départ, le ton est donné : le générique en animation annonce un film sans retenue, vulgaire, sombre et violent, sans la moindre concession. Kounen ne respecte rien (une arme à feu dans une église) ni personne (le nom du bad guy n’est autre que… Sauveur Christini) et bourre sa mise en scène d’effets à gogo, de mouvements de caméras ultrarapides et d’une bonne dose de testostérone. Pas de temps mort ici (voir le braquage du fourgon d’entrée de jeu) mais une bonne touche de 48ème degré tant dans la mise en scène que dans les dialogues. Cartoonesque, le film l’est assurément, mais il lorgne tout autant du côté du western spaghetti et des comédies françaises aux bons mots des années 60. Dobermann ou quand Kounen mixe univers BD, Tex Avery, Sergio Leone et Michel Audiard avec assez d’impertinence et même d’agressivité (la célèbre scène où Romain Duris utilise un numéro des Cahiers du cinéma comme papier toilette) pour devenir unique en son genre, pour bien délimiter son univers.

Côté scénar, rien de transcendant, mais après tout ce n’est pas le but, d’autant qu’à la mise en scène sous ecsta s’adjoint une pléiade d’acteurs en grande forme : Vincent Cassel d’une part, dans le genre de rôle qu’il aime à avoir entre les frontières du Bien et du Mal, et qui prend visiblement un plaisir énorme à jouer ce chef de gang qui tient autant de Robin des Bois que de Mesrine ; Monica Bellucci dans le rôle de sa compagne sourde-muette au caractère bien trempé et aux atouts physiques… indéniables ; Tcheky Karyo dans le rôle du sale flic, rôle dont il a l’habitude mais qu’il parvient à transcender pour atteindre les sommités du genre, le type de personnage qu’on aime voir crever dans d’atroces souffrances ; et les autres, tous au mieux, de François Levantal à Duris en passant par Chick Ortega, Dominique Bettenfeld ou Stéphane Metzger. Dobermann, ou l’art d’employer aussi bien les premiers que les seconds rôles.

Le style peut paraître déroutant, et il l’est : Dobermann n’est pas une fiction de cinéma, c’est un trip sous acide, une bombe à fragmentation qui n’épargne ni les acteurs ni les spectateurs, où Kounen démontre tout un savoir-faire dans une débauche d’excentricités et de violence (voir la gunfight du nightclub) mais qui a le mérite, et c’est ce qui empêche le film de devenir insupportable, de ne jamais au grand jamais se prendre au sérieux. Dobermann ou quand le cinéma de genre français atteint les sommets.

Note : ***

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