mardi 11 avril 2006

Le Nouveau Monde (The New World)


La dernière grande réussite de la légende vivante Terrence Malick que ce Nouveau Monde.

Il faut dire que le cinéaste a réussi, à l’instar d’un Kubrick, à se forger une image de cinéaste intellectuel solitaire, délaissant la presse pour se concentrer sur son art, à se créer une aura presque mystique qui pousse le monde du cinéma a sautiller sur place en apprenant qu’il prépare un nouveau film. Pour preuve, Le nouveau Monde était surveillé de très près par tous les cinéphiles depuis deux ans… alors qu’il ne s’agit que du quatrième film de Malick.

Mais comment diable fait-il pour faire d’aussi bons films ? Peut-être parce que pour lui, il n’y a pas que le cinéma dans la vie. Aussi, s’il n’estime pas trouver d’histoire qui lui plaise pendant dix ans, il ne fera pas de film pour le fait d’en faire un.

Suite à l’immense succès critique de La ligne rouge, on se demandait comment Malick allait encore pouvoir nous surprendre. Et voilà qu’il réussit en prenant le contre-pied de son précédent film ; à la Seconde guerre et au scénario regorgeant de multitudes de personnages, Malick propose une histoire d’amour au début de l’Histoire des USA, où seuls trois personnages se détachent vraiment du film.

Il n’en perd pas pour autant sa touche si personnelle, ce petit truc qui fait la différence entre ses films et ceux des autres : une bonne part de spiritualité. A nouveau, on retrouve ses lents travellings ne filmant que la nature, à nouveau on assiste aux remises en questions des personnages envers leurs sentiments et leurs croyances, à nouveau on retrouve un film au rythme lent, très lent, histoire de savourer chaque instant et la perfection de la Nature aux yeux du cinéaste.

Le contexte historique importe finalement peu : alors que certains cinéastes auraient tout misé sur les batailles sanglantes entre colons et indiens, et tandis que d’autres encore auraient visé la critique historique en dénonçant les méfaits du colonialisme, Malick lui préfère se concentrer sur l’humanité perdue de ses protagonistes ; tandis que Smith abandonne son identité occidentale qu’il hait tant (mais qu’il finira par retrouver pour conquérir de nouvelles terres), Pochaontas abandonne elle son identité culturelle pour se vouer à celui qu’elle aime.

Dans les rôles titres, Colin Farrell, Christian Bale et la très jolie (et jeune) Q’Orianka Kilcher jouent tout en retenue, presque en crispation, le plus souvent en silence. Ils retrouvent dès lors l’essence même du jeu d’acteur, qui est de faire passer les émotions avant les explications, lesquelles interviennent via des voix-off parfois trop longues. On regrettera aussi de ne pas voir plus Ben Chaplin et Christopher Plummer…

Il n’empêche que le film est un concentré d’émotion et de réflexion, malheureusement trop expliquées par moments, sans pour autant que cela ne gâche le film. Ce qui dérange, c’est l’hermétisme parfois trop flagrant du récit, où finalement on assiste à une histoire d’amour sans pouvoir y interagir ; tandis que La ligne rouge invitait à la philosophie, à la réflexion sur la place de l’homme dans l’univers, au rôle de la Nature dans nos vies et aux notions de Bien et de Mal, Le nouveau Monde se limite à disserter sur la dualité rêve-amour et sur les notions d’identités culturelles. Des sujets peu abordés au cinéma il est vrai, mais qui ne parviennent pourtant pas à provoquer autant d’émoi que ceux de La ligne rouge.

Il n’empêche que le film ne prêche que par quelques longueurs, le reste du film étant tour à tour sublime : des somptueux décors naturels aux interprétations, en passant par un scénario original et une mise en scène toujours aussi impeccable du génie texan, Le nouveau Monde est un spectacle à part, ni film d’aventure ni film d’amour, une sorte d’OVNI cinématographique à forte consonance philosophique et humaniste. Un retour en force d’un cinéaste plus qu’essentiel.

Note : ****

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