Depuis une dizaine d’années, Nolan nous a habitué aux films grand public exigeants, ceux qui demandent une participation active du spectateur, le récompensant de ci de là par des scènes d’action spectaculaires (comment oublier ce camion se retournant dans Dark Knight ou les tours de magie du Prestige). Inception, son projet fétiche depuis une dizaine d’années, était donc forcément attendu avec autant d’excitation que de suspicion.
Pourquoi ? Car un projet de ce genre relève souvent de l’exercice masturbatoire par excellence : le cinéaste brouille les pistes, perd le spectateur dans un récit complexe en s’enorgueillant presque d’un « je suis plus malin que vous car moi j’ai tout compris et pas vous, na ! ». La force de Nolan sur Inception est d’avoir justement éviter cette prétention : à chaque séquence il guide le spectateur ou lui rappelle des informations capitales via un dialogue ou un montage sans que ce soit redondant ou trop didactique. Mieux, cela participe même au suspens du film comme le prouve ce montage parallèle entre les différents rêves avec chacun son temps étiré ou non.
Au-delà de ça, le scénario de Nolan n’est pas compliqué en soi : c’est sa construction qui nous faire croire qu’il l’est. Nolan s’est déjà illustré dans cet exercice de style auparavant : Memento et sa construction mi-linéaire mi-à rebours, Insomnia et son ambiance « brumeuse » ou encore Le prestige, véritable tour de passe-passe narratif. Inception ne déroge pas à la règle et ce n’est que son enchevêtrement de rêves différents qui rend le film plus opaque qu’un autre. Toutefois, le réduire à un scénario basique serait aussi une erreur, l’histoire étant assez touffue et riche de rebondissements pour tenir en haleine les 2h30 du film, qui passent par ailleurs à une vitesse folle de mon point de vue.
Mais si l’histoire d’Inception semble avoir conquis les spectateurs, je trouve qu’il faut aussi souligner la qualité de la mise en scène de Nolan. Certes son classicisme n’a en soi rien d’extraordinaire (il reste cependant un technicien de qualité à mes yeux) mais c’est tout l’univers onirique qu’il a pu créer qui me semble très intéressant. Personnellement j’ai toujours été fasciné par ces cinéastes sachant créer un univers bien à eux (Terry Gilliam avec de l’argent, Tim Burton avant sa corruption) et Nolan ici ne me déçoit pas : son style urbain froid, déjà à l’œuvre dans Dark Knight, est associé à une série d’éléments chocs qui laissent une forte impression (en vrac : Paris se repliant sur elle-même, le train traversant Manhattan ou encore les combats antigravitationnels dans le couloir de l’hôtel).
Un mot sur le casting en guise de conclusion : sans être extraordinaire, il est très juste de bout en bout. Di Caprio retrouve ce personnage d’héros torturé qui lui colle à la peau depuis quelques temps et porte le film sur ses épaules ; toutefois, c’est du côté des « seconds rôles » (il n’y en a pas vraiment ici, chacun ayant une importance relative) qu’il faut aller chercher son bonheur : la jeune Ellen Page et le rôdé Ken Watanabe se débrouillent fort bien face à Di Caprio tandis que deux bonnes surprises surgissent en les personn(ag)es du cérébral Joseph Gordon-Levitt (troublante ressemblance physique avec Heath Ledger c’est affolant) et le fuckin guy Tom Hardy, qui apportent une touche d’humour bienvenue au film. Je préférerai passer sur les performances de Marion Cotillard, fidèle à elle-même mais finalement peu présente dans le film, et Cillian Murphy qui ne m’a jamais réellement convaincu. Reste que j’aurais aimé, à titre personnel, voir un peu plus de Michael Caine et Tom Berenger (c’est fou comme il a grossi dis donc).
Mais au diable toutes ces menues considérations : Inception est un de ses films surprenants non pas en lui-même mais bien en tant que divertissement qui outrepasse son rôle, devenant un objet cinématographique qui tire profit de son art (je n’imagine pas cette histoire autrement que dans un film) et respecte le spectateur en ne le prenant pas pour un con tout en le divertissant. Christopher Nolan est définitivement l’une des valeurs hollywoodiennes les plus sûres à l’heure actuelle, et on l’en remercie allègrement.
Note : *****
samedi 31 juillet 2010
Subscribe to:
Publier les commentaires (Atom)
4 Comments:
J'ai hâte :'(
Bel article, nous sommes d'accord. Dans le genre divertissement bien foutu, intelligent et captivant, Inception trône aisément au dessus du lot.
Je pense que nos avis convergent, même si j'ai bien apprécié Cotillard et Murphy, dont je ne suis pas forcément fan.
Et j'ai vraiment aimé cette fin à la "Le prestige", nouveau clin d'oeil au spectateur de la part de Nolan. Car pour moi, ceux qui avancent la théorie qu'il est encore dans un rêve n'ont pas trop compris le film :p
Bonsoir Bastien, comme je l'ai dit en coms sur d'autres blogs, pas mal mais pas un chef d'oeuvre. Le scénario est un peu simpliste par certains côtés. En revanche, j'ai trouvé Marion Cotillard très bien: elle a un beau rôle qui est le grain de sable de l'ensemble. Bonne soirée.
Tu es en effet dithyrambique, je n'avais pas encore lu ton article sur ce film :-)
De toute façon, le film fera date dans la filmo de Nolan : chef d'oeuvre ou pas ? La suite nous le dira, après plusieurs visionnages.
Post a Comment