mercredi 21 juillet 2010

La chevauchée fantastique (Stagecoach)

Il est curieux d’observer que, bien que considéré comme le maître du genre, John Ford n’a pas réalisé tant de westerns que cela (bien moins de la moitié de sa filmographie). Mais quand il en a réalisé, il faut bien l’avouer, ce fut des chefs-d’œuvre d’entrée de jeu, à l’instar de ce Stagecoach.

Stagecoach est surprenant dans la mesure où c’est un western qui, en soi, n’est pas foncièrement un western. Certes les grands traits du genre sont bien présents : les grandes plaines de Monument Valley que Ford illustrera si bien tout au long de sa carrière (encore que les nombreuses scènes tournées en studio avec un paysage peint dénotent un peu à mon goût) et les décors habituels (le désert, le saloon, les auberges), les personnages incontournables comme le shérif, la prostituée, la cavalerie ou les indiens, et bien entendu de grands moments héroïques (l’attaque des indiens et le duel final). De ce point de vue, Ford établit effectivement la liste des éléments caractéristiques du western.

Mais ce qui intéresse le cinéaste avant tout, et le film est très clair sur ce point, c’est la dimension sociale du sujet. Ford était un homme engagé, et sa vision de la lutte des classes trouve ici un tremplin formidable : la psychologie certes caricaturale mais ô combien précise et claire des personnages permet au spectateur de mieux appréhender des scènes d’apparence anodines et pourtant lourdes de sens : la scène de dîner, par exemple, souligne bien les préjugés qui peuvent régner entre les gens. Même si Ford sait divertir le spectateur (la séquence d’attaque des Apaches est un moment de bravoure incroyable), il se détourne souvent du western en tant que tel (le duel final est en hors-champ et très rapide) pour se concentrer sur quelques moments (parfois un rien trop longs) de la vie des personnages.

Techniquement, Ford incarne ici la quintessence du classicisme hollywoodien : les plans, majoritairement fixes (ce qui rend les plans en mouvements, à savoir le travelling avant sur John Wayne au début, le panoramique sur les Indiens et l’attaque des Apaches, marquants) sont composés de manière admirable (géométriquement mais aussi en profondeur : rien d’étonnant que ce film ait largement influencé le cinéma d’Orson Welles). La mise en scène de Ford si classique soit-elle contient pourtant en elle une véritable modernité de ton, qui fait que le film qui date pourtant de 1939 n’est ni poussiéreux ni dépassé. En outre, le cinéaste n’hésite pas à changer la donne habituelle concernant les personnages : non seulement c’est un hors-la-loi (magnifique John Wayne) qui est le héros du film (ce qui pose question puisque sa vengeance sanglante est acceptée sans problème par le spectateur) mais en plus les personnages féminins n’ont pas ici des rôles de faire-valoir mais sont des personnages forts et importants dans le récit.

Un film surprenant pour son époque, tout à la fois ancré dans un système hollywoodien et une logique des genres (même si le western y côtoie le mélodrame et la comédie de manière régulière) et parvenant cependant à être personnel et intemporel. Incontournable.

Note : ****

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