lundi 2 avril 2007

Sleepers


Les Américains sont des masochistes invétérés : plus les sujets abordés au cinéma démontent leur façade de gens biens propres sur eux, plus ils aiment et en redemandent. Les cinéastes, eux, s’en donnent à cœur joie de signer des films « polémiques » pour faire croire que ce sont des auteurs. C’est de cette manière que naissent des films comme Sleepers, histoire de pédophilie, ode à l’amitié et bénédiction de vengeance meurtrière…

Ne tournons pas autour du pot, le fond de l’histoire laisse sceptique : peut-on vraiment tuer pour une juste cause ? Inspiré du livre autobiographique de Lorenzo Carcaterra, que les institutions pénitentiaires des USA dénoncent comme un tissu de mensonges, le scénario n’éclaire guère le sujet : oui, le salaud qui a fait ça méritait une sentence, mais ne devait-elle pas être légale ? En dépit, le film prône l’amitié et l’innocence de l’enfance, tout en dénonçant la pédophilie visiblement fréquente au pays de l’Oncle Sam.

Levinson a d’ailleurs la pudeur d’occulter ces scènes qui auraient été insoutenables de toute manière. Il préfère ce concentré sur la manière implacable dont la juste vengeance des quatre amis se préparent. Comme cité en exemple dans le film, c’est du Monte Cristo en plein. Si le film tarde cependant à démarrer, c’est pour mieux démonter un à un les rouages d’un système défaillant, accusant clairement les institutions correctionnelles en les désignant non comme aides aux délinquants mais comme bonus (voir raison) de leur déviance.

On regrettera deux petits éléments cependant : d’une part, au niveau du scénario, une certaine « hollywoodisation » qui consiste à insérer un semblant de relation intime entre Jason Patric et Minnie Driver. Bien qu’on ne remette pas cette « liaison » en doute, on a un peu de mal à vraiment cerner son importance dans le récit, tout comme cette idylle gâchée entre les personnages de Brad Pitt et Minnie Driver. L’autre reproche revient à la mise en scène de Levinson, qui aussi sobre puisse-t-elle être lorgne un peu trop du côté de chez Scorsese pour sa description de l’Amérique sixties. Un léger manque de personnalité qui contraste un peu avec le reste du film, d’autant que Levinson n’est pas un amateur.

L’élément le plus frappant dans ce film réside évidemment dans son casting de fou : Robert de Niro, Dustin Hoffman, Kevin Bacon, Brad Pitt, Jason Patric, Minnie Driver, Vittorio Gassman, rien que ça ! Chacun parvient à tirer son épingle du jeu d’ailleurs, certain (Bacon, Gassman) mieux que d’autres (Patric, Pitt) mais tous restent agréables à regarder. On regrettera toutefois les performances un peu en retrait (et légèreté) des monstres De Niro et Hoffman mais bon, rien que leurs présences suffisent à notre bonheur.

Un film de facture honnête, un brin longuet, quelques facilités dans le scénario et une mise e scène qui n’est pas exempte de tout reproche ; pourtant, c’est un formidable plaidoyer pour la fidélité en amitié, pour le sens de la justice et une attaque directe et sans concession à un système défectueux et dangereux. Du cinéma pop-corn engagé comme on les aime.

Note : ***

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