mercredi 18 avril 2007

300


Le cinéma regorge de surprises : d’années en années, des innovations techniques sont faites pour offrir des films de plus en plus originaux point de vue visuel. Depuis peu, ce sont les fonds verts (ou bleus) qui ont la cote, vu les résultats obtenus par Captain Sky and the World of Tomorrow ou encore Sin City. Il est donc logique de voir des films comme 300 profiter de ces petites prouesses technologiques pour devenir des films cultes.

Pour quelques années seulement, car 300 est condamné à ne pas traverser les âges. Il est même fort à parier que le film sera jugé « vieillot » d’ici une dizaine d’années, les effets visuels (au nombre de 1300 alors qu’il y a 1500 plans dans ce film, voyez le rapport) étant dépassés depuis belle lurette. En attendant, et après tout c’est là le propos du film, prenons notre pied sur ce trip sauvage sans se soucier du lendemain.

Zack Snyder s’explique d’ailleurs sur son film : « Je ne voulais pas d'un film figé, je voulais faire pénétrer dans l'univers imaginé par Frank [Miller]. 300 n'est pas un drame historique, ni un récit linéaire. Ce n'est pas davantage une reconstitution, c'est une expérience inédite. » avant d’ajouter « Les gens vont au cinéma pour vivre une expérience originale, explique-t-il. C'est ce que nous avons tenté de leur apporter. Qu'il s'agisse des paysages, des batailles, de l'action, de l'architecture, chaque image du film constitue un effet visuel. » Pour cela il s'est appuyé sur une technique baptisée "crush" consistant à "écraser" les couleurs sombres pour valoriser et renforcer leur éclat. Dès cet instant, on sait que le film n’est pas là pour être un documentaire (les formations des hoplites étant d’ailleurs erronées mais visuellement fortes) mais une projection d’un fantasme, celui de la beauté absolue (des acteurs bodybuildés, un Xerxès interprété par le mannequin Rodrigo Santoro, un ciel orage la plupart du temps) mélangée à la violence la plus crue (les scènes de combats dantesques avec des bouts de jambes ou de têtes un peu partout). Le scénario est prétexte à une enfilade de bastons toutes plus violentes les unes que les autres et on accepte sans honte une telle proposition.

On accepte jusqu’à un certain point puisque la majorité des scènes misogynes (dont personne ne connaît la vraie paternité, les uns accusant la production les autres criant que c’est l’idée de Snyder) de la Reine voulant sauver son Roi de mari coûte que coûte plombent un peu le film, même si le personnage de la Reine s’en trouve plus étoffé et apporte cette touche de féminité à un film définitivement masculin (voire par moments limite primaire). Est-ce que ces scènes forcent Snyder a en sacrifier d’autres pour ne pas dépasser la durée standard du blockbuster, toujours est-il qu’on est un peu amer de ne pas profiter plus de certains éléments de l’histoire, ne serait-ce que l’Exécuteur (qui aurait pu être jouissif en combat) ou l’attaque des éléphants vite expédiée. On aurait également apprécié un petit règlement de compte l’arme au poing entre Leonidas et Ephialtes mais bon, l’ensemble est assez sanguinolent pour nous plaire.

Sanguinolent est peut-être un euphémisme d’ailleurs, tant la rage contenue dans les batailles se fait ressentir de bout en bout. C’est un massacre antique dans les règles, la bonne vieille lance et le bon vieux glaive dans la face de l’adversaire. Snyder semble d’ailleurs s’éclater sur ces plans, du travelling latéral de Leonidas à travers ses ennemis au rhinocéros déchaîné chez l’adversaire. Il savoure tellement ses moments qu’il les stylise à mort, jouant avec les ralentis/accélérés à profusion, rendant toute décapitation comme un moment de beauté gore. Clairement, Snyder voulait faire ces scènes de batailles à sa sauce, et il savoure autant le sang que ces zombies dans son Armée des morts. En revanche, on regrette que Snyder, qui avait su se détacher de l’influence de Romero dans on premier film, ne parvient pas ici à éviter des références un peu lourdes bien que jolies à Gladiator (le champ de blés au soleil couchant) ou encore au Seigneur des Anneaux (les éléphants dix fois trop grands, les mages bombardiers, les Immortels défigurés au masque kabuki). Inversement, il ne sombre pas dans le travers de Sin City à savoir rendre son film trop BD et pas assez cinématographique. Reste également d’autres plans visuellement puissants comme la tempête, les milliers de soldats de Xerxès sur la plage, le soleil caché par un nuage de flèches ou encore un mur immense de cadavres tombant sur les guerriers perses et, non des moindres, la découverte de l’Arbre des morts.

Côté acteurs quasi que des inconnus, ce qui contribue au plaisir du film (comme si les corps de rêves, masculins ou féminins, ne suffisaient pas) puisqu’on n’attend rien de spécial de leur part. Si dans l’ensemble les prestations sont honorables, d’autres s’en tirent moins bien (Dominic West, Rodrigo Santoro par moments) que d’autres, qui impressionnent vraiment : Lena Headey, aussi belle que convaincante et surtout Gérard Butler, au charisme animal plus qu’attrayant et qui tente de rendre son personnage humain, tour à tour Spartiate pur et dur, père de famille attentionné, mari aimant et chef autoritaire mais non dénué d’humour. Il porte clairement le film sur ses pas du tout frêles épaules, même si la tension baisse par moments et laisse apparaître non plus Leonidas mais un acteur jouant Leonidas. Enfin, pas trop grave.

Pour terminer, soulignons le travail fait sur le son, aussi important que l’image, dans le bruit lourd des armes qui s’entrechoquent autant que dans la musique, omniprésente, de Tyler Bates (déjà actif sur l’Armée des morts) qui souffre aussi d’une petite influence de Hans Zimmer mélangée avec du Nine Inch Nails. Intriguant mais efficace.

Un léger manque de personnalité et surtout un scénario beaucoup trop prévisible et formaté empêchent le film d’accéder au rang de chef-d’œuvre mais pas à celui de film culte, objet visuel époustouflant (bien que pas exempt de défauts) et animal, gros trip sauvage, sombre et violent où les cadavres s’entassent de manière stylisée. Du péplum tendance gore, un film nourri à l’adrénaline et qui sent bon la sudation et la sang, du divertissement décérébré et haut de gamme ; après tout, c’est aussi ça le cinéma.

Note : ****

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