dimanche 15 avril 2007

The Fountain


On l’attendait le retour du prodige Aronofsky, surtout avec son projet ambitieux d’une histoire d’amour éternelle sur trois époques. Et la difficulté du film à se monter car trop « spécial » pour les producteurs renforçait notre besoin de découvrir le fin mot de l’histoire. Alors forcément, quand on découvre The Fountain, c’est mitigé.

Mitigé car le film n’atteint pas tous ses objectifs et, surtout, ne répond pas aux ambitions du cinéaste. Celui-ci s’explique : « Au printemps 1999, ça commençait à me démanger. Requiem for a Dream était fini, mais pas encore sorti. J'avais déjà hâte de me remettre à la machine à écrire. Le XXIème siècle s'approchait dangereusement, et je me demandais à quoi pourrait bien ressembler la SF,maintenant que nous étions le Futur. L'immortalité de mes 20 ans s'éloignait et les histoires évoquant la quête de la fontaine de jouvence me tournaient dans la tête. D'un seul coup, la vie éternelle montrait des failles, des gens que j'aimais faisaient face aux vrais problèmes de la vie, de la mort et de l'amour. Je me suis mis à écrire innocemment, sur ce que je ressentais et sur ce dont je faisais l'expérience. J'étais loin de me douter alors que mon équipe et moi-même allions passer l'essentiel de nos trentaines à nous battre avec Hollywood pour que The Fountain puisse se faire. »

Bien que scindées, les trois histoires peuvent être analysées séparément. La partie du passé, époque de l’Espagne sous l’Inquisition, est certainement la plus aboutie techniquement. Ses décors, ses costumes et l’aspect aventure en font l’épisode le plus passionnant du film, mélange d’esthétisme et de violence. Les tortures de l’Eglise ne trouvent écho que dans la quête absolue du conquistador Tomas de trouver l’arbre de vie, « The Fountain » pour sauver sa Reine, celle qu’il aime comme un damné. Le temple aztèque, la bataille qui précède et la lutte entre Tomas et le chamane sont tout simplement admirables. L’ambiance est sombre, presque glauque, la folie guette les hommes et l’ensemble marche à merveille.

La partie du présent est très certainement la moins réussie, d’une part trop longue, d’autre part trop prévisible. Cette lutte de Tommy contre le cancer qui tue à petit feu sa femme, lutte qui l’empêche de savourer les instants présents avec elle, est d’une banalité qui fait frémir de la part d’un cinéaste de cette envergure. Le pire, c’est que c’est elle la plus longue.

La partie futuriste est quant à elle la plus spirituelle, sorte de 2001 du réalisateur. Bien que composée d’une majeure partie d’effets spéciaux, ceux-ci n’enlèvent rien à son charme et le côté mystérieux planant tout au long des scènes renforce l’idée d’une quête philosophique et métaphysique de l’amour et de l’immortalité.

Hélas, le final de tout ça vire au guignolesque, une débauche d’effets spéciaux et un recoupement intemporel des histoires entre elles qui tire trop sur la longueur et, surtout, flirte avec l’incompréhensible pour, à nouveau, mystifier le spectateur. Sauf qu’à force, on lâche prise, on laisse aller le film et on le regarde avec distance, ce qui n’est pas le but.

Et c’est bien dommage, car le film a de l’envergure. Outre l’amour, c’est carrément l’immortalité et ses conséquences qui est abordé ici. Le cinéaste l’explique d’ailleurs très justement : « Les gens prient pour être jeunes et ils occultent le fait que la mort est une part essentielle de la vie. Les hôpitaux dépensent des sommes folles pour garder les gens en vie. Mais nous sommes tellement préoccupés par notre obsession du corps que nous en négligeons l'esprit. C'est l'un des thèmes centraux que je voulais aborder dans ce film : la mort nous rend-elle humains ? Si l'on pouvait vivre éternellement, perdrions-nous notre humanité ? »

Les comédiens sont également très bons, Hugh Jackman plus que tout. Si à ses débuts on pouvait le considérer comme un bellâtre, il prouve définitivement après ses collaborations avec Woody Allen ou Christopher Nolan qu’il a des capacités immenses, comme ici où il parvient à jouer trois caractères différents pour un même personnage. Son calme bouddhiste contraste avec sa haine justicière de conquistador, et plus d’une fois l’émotion l’étouffe et il se laisse aller, ce qui a pour effet de bougrement nous convaincre. Finalement, on ne regrette pas que Brad Pitt et Cate Blanchett aient quittés le projet (même si cela a eu des conséquences sur la préparation, du film, diminuant son budget de 75 à 35 millions de dollars).

Si Aronofsky avait pu exploiter pleinement ses idées, et non pas se limiter à un spectacle visuel et pseudo-philosophique calibré grand public, son The Fountain aurait pu être son chef-d’œuvre, son 2001 : l’odyssée de l’espace à lui ; en dépit, il reste un agréable moment, par intermittence mais un agréable moment.

Note : **

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