samedi 21 avril 2007

Roger et moi (Roger and me)


Ce sont les sujets que l’on connaît le mieux dont on parle le plus facilement. Et quand on a une formation de journaliste à la base, ça peut être un atout lorsqu’on décide de réaliser un documentaire. Après tout, à l’époque c’était encore le meilleur moyen de révéler quelque chose qui ne tournait pas rond dans un coin inconnu. Michael Moore a eu cette réaction et a donc décidé de parler un peu de sa chérie de ville natale, Flint, dans Roger et moi.

Tant qu’il y est, et bien qu’il n’y connaisse rien, Moore décide de réaliser un documentaire sur son périple. Il rencontre Kevin Rafferty qui lui apprend à se servir d’une caméra, vend sa maison, investit 50 000 dollars gagnés au bingo et profite du soutien moral – et surtout financier – d’un certain Ed Asner pour financer un projet qui va durer trois ans. Au programme : démarche pour amener Smith à flint et revalorisation de sa ville natale.

On notera la franchise de Moore dès le début de son film : son enfance comme point de départ, preuve que le récit qui va suivre est très personnel – mais aussi très subjectif pour ne pas dire égocentrique. Moore est comme ça, il préfère imposer sa vision des choses plutôt que de raconter à distance. Un bien comme un mal, puisqu’à la pertinence de ses questions mûrement étudiées s’ajoute un avis qui n’écoute que d’une oreille l’opposition.

Pour un début, Moore s’en tire assez honorablement, son seul pêché étant de ne pas savoir à quel saint se vouer : la dénonciation du système capitaliste ou une tentative désespérée de redorer l’image de Flint ? Roger et moi ne fait hélas pas toujours la distinction, épinglant d’un côté les difficultés pour les ouvriers de retrouver du travail à cause de patrons préférant s’installer au Mexique et, de l’autre, des anecdotes d’anciens employés qui se veulent touchantes (la pauvre femme ne vendant que des lapins pour vivre… et nourrir trois chiens). A l’occasion Moore souligne l’indifférence du pays ou du moins son mutisme quant à l’affaire avec des interviews creuses de Miss Amérique ou du chanteur Pat Boone. Belle idée mais qui retombe à nouveau dans le côté « presse à scandale » avec le flic intègre et obligé malgré lui de chasser des familles de leurs maisons non payées.

A sa sortie, le film sera un succès, glanant des récompenses un peu partout et révélant le poil à gratter Michael Moore à la face du monde. Si sa verve n’était pas aussi percutante qu’à l’heure actuelle, elle n’en demeure pas moins intéressante. Pour lui, le film fut cependant un échec, échouant d’une part à revaloriser l’image de Flint, et le siège réservé à Roger Smith lors des premières séances étant toujours resté vide. De plus, Flint n’a jamais vu le film : il n’y existe tout simplement plus aucun cinéma.

Quoiqu’il en soit, Roger et moi a révélé un talent mais n’a pas changé la face du monde pour autant : les grosses entreprises quittent toujours autant les pays riches pour les plus pauvres, où la main-d’œuvre ne dépasse pas un dollar de l’heure. Ne serait-il pas merveilleux cependant que ce genre de film sensibilise notre société afin qu’elle défende bien mieux ses intérêts, que ce genre de film donne à réfléchir à la prochaine génération de patrons des multinationales ? Wouldn’t it be nice ?

Note : ***

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