jeudi 5 avril 2007

Bobby



Issu d’une famille d’acteur (fils de Martin Sheen et frère de Charlie Sheen), Emilio Estevez nous avait habitué à des seconds rôles dans des films pas toujours marquants ; d’autant plus grande donc est la surprise de le voir s’atteler à la réalisation, et d’un film choral et à sujet politique qui plus est avec Bobby sur Robert Kennedy.

Tout d’abord, puisque c’est ce qui saute directement aux yeux, petit mot sur le casting ; pour un film à qui il a fallu sept ans avant de se monter, on peut dire qu’il n’a pas eu à se plaindre ! Evidemment, les interprétations sont de niveaux inégaux, certain(e)s s’en sortant mieux que d’autres : magnifiques Demi Moore et Sharon Stone, surprenant Emilio Estevez en mari las de la vie tandis qu’Ashton Kutcher joue les hippies avec tout ce que ça comporte de stéréotype démentiel (rien de péjoratif là-dedans) ; on regrettera en revanche un Hopkins trop rare et en retrait ainsi qu’un William H. Macy qu’on a connu plus inspiré.

Evidemment, avec ce genre de film, difficile de ne pas songer à certaines œuvres de Robert Altman, Short Cuts en tête qui analysait aussi le côté sombre de l’Amérique à travers des tas d’histoires qui s’imbriquaient entre elles. Ici, via des histoires elles aussi inégales entre elles, Estevez analyse l’Amérique des années 60, l’Amérique raciste, sexiste, bouffée par le Vietnam et la paranoïa ambiante, accentuée par l’invasion des drogues dures. En soi une bonne chose, qu’Estevez aborde de manière plus ou moins directe mais avec sobriété ; là où ça coince, c’est dans ce parti pris de Kennedy, canonisé sauveur de l’Amérique s’il avait pu être élu, qui aurait poursuivi la lutte de Martin Luther King et autres combats pour un monde juste et en paix. Inversement, le film peut être considéré comme une charge contre le gouvernement de Nixon et plus récemment Bush, deux gouvernements semblables, et l’efficacité est là mais s’estompe peu à peu puisqu’en réalité, ce n’est absolument pas le moteur de l’histoire du film.

Point de vue technique, Estevez s’étant déjà fait la main sur quelques téléfilms auparavant, on a pas trop à se plaindre, la réalisation étant plus que correcte bien qu’un peu impersonnelle. Il manque justement ce ton acide qu’on aurait aimé voir, cette approche plu radicalement cynique de la situation. Le rythme aussi, hélas, n’est pas forcément au rendez-vous, le film tirant un peu parfois en longueur et surtout se laissant aller dans un final prévisible : la panique générale après l’assassinat de Kennedy avec en fond sonore un discours de ce dernier prônant la paix et l’égalité. Ca se veut fort, c’est juste un peu gros pour pleinement marcher.

Un exercice de style impressionnant sur papier, qui hélas se laisse un peu trop aller à la subjectivité dans le concret pour vraiment fasciner. Estevez a du potentiel qui ne demande qu’à être pleinement exploité, et le mieux serait encore qu’il ait un peu plus de rigueur dans son écriture. A ce moment-là, il pourrait en surprendre plus d’un.

Note : **

0 Comments: