mercredi 5 septembre 2007

Prends l'oseille et tire-toi ! (Take the money and run !)


Si depuis il a été considéré comme l’un des rares (pour ne pas dire le seul) véritables auteurs dans le cinéma américain contemporain, il ne faudrait pas oublier que Woody Allen était d’abord et avant tout un comique, comme on peut le ressentir à travers son premier film Prends l’oseille et tire-toi !

Nous voici donc en 1968. Woody Allen est alors un comique célèbre aux USA, célèbre par ses mots d’esprits envoyés dans les journaux de New York mais aussi par ses apparitions dans les comédies en tout genre. C’est justement après le tournage chaotique et incontrôlé de Casino Royale qu’il décide de mettre en avant ses propres scénarios. Enfin pas tout à fait s’il avait bel et bien pondu l’histoire de Virgil Starkwell, il en proposa d’abord la réalisation à Jerry Lewis, qui du refuser à cause d’un débordement de travail personnel. Allen prit alors la sage décision de devenir son propre scénariste/acteur/réalisateur. Tourné en 7 semaines et avec l’aide d’une centaine de détenus de San Quentin au détour d’une scène, ce film n’avait initialement rien de drôle ; pire, Allen avait imaginé un final sanglant à la Bonnie and Clyde illustrant sa mort. Conscients que le public ne suivrait pas ce revirement de la part du comique, les producteurs Jack Rollins et Charles H. Joffe tentèrent e convaincre Allen de discuter avec son monteur pour avoir ce qui pourrait être amélioré. C’est ainsi que Ralph Rosenblum a probablement sauvé la carrière de Woody : il réussit à convaincre le cinéaste de revoir un bon nombre de scènes, et offrit au film son ton comique. Allen devait le remercier en l’engageant à nouveau pour Bananas, Woody et les robots, Guerre et paix et Annie Hall, juste retour des choses puisque Rosenblum venait d’aider Woody à créer le premier « mockumentary » de l’histoire du septième art.

Et on en vient à se demander à quoi ressemblait la mouture sérieuse tant celle-ci est irrésistible. Evidemment, on est très loin du Woody Allen à venir, mais il n’en est pas moins déplaisant : comique jusqu’au bout, usant de gags déjà vus et d’autres de sa propre invention (irrésistible évasion avec un pistolet en savon… sous la pluie !) et avec un ton que reprendra Zelig quelques années plus tard, Prends l’oseille et tire-toi ! ne se prend jamais au sérieux et, surtout, ne vise jamais plus haut que l’œuvre peut atteindre. Nous sommes dans la comédie pure, et pour un premier exercice Allen s’en tire assez bien.

Derrière mais aussi devant la caméra j’entends, tirant déjà toute la couverture à lui seul et sachant s’entourer de personnages pittoresques, dont certains reviendront sous d’autres formes dans les films à venir de l’auteur (notamment l’épouse résignée et les parents qui n’ont connu que des difficultés avec leur progéniture).

Sans prétention, exercice de style et mise en jambes pour un futur cinéaste majeur du paysage américain, Prends l’oseille et tire-toi ! ne vieillit que très légèrement, et reste en plus d’une curiosité cinéphilique un petit moment de plaisir sitôt vu sitôt digéré. Histoire de travailler les zygomatiques pendant que les neurones se reposent quoi.

Note : ***

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