jeudi 27 septembre 2007

L'impasse (Carlito's way)


1993 : Brian de Palma est déclaré fini. Ses deux derniers films ont été de tel échecs tant public (Le bûcher des vanités) que critique (L’esprit de Caïn) que personne n’oserait miser sur lui à l’avenir. Pourtant, Martin Bregman reste confiant : L’impasse sera son grand retour.

Lorsqu’on lui apporte les romans After Hours et Carlito’s way contant tous deux la vie tumultueuse d’un gangster portoricain, Bregman propose au réalisateur de Scarface de les adapter en un seul et même film, aidé par le très apprécié scénariste David Koepp (La mort vous va si bien, Jurassic Park à l’époque). Bien qu’hésitant, De Palma finit par céder quand Al Pacino est rattaché au projet. Sean Penn, qui a déjà fait Outrages avec le réalisateur, accepte le rôle de l’avocat pour pouvoir financer son prochain film Crossing Guard. Hélas, à sa sortie le film se fait hué par les critiques, et le public suit timidement ; il faudrait attendre quelques année avant de se rendre compte que L’impasse est le meilleur film de De Palma depuis Les Incorruptibles et probablement son dernier grand coup d’éclat à ce jour.

Coup d’éclat car De Palma surprend tout le monde en faisant de Carlito’s way l’antithèse de Scarface : à un Tony Montana ambitieux et voué au crime, le cinéaste oppose un Carlito Brigante qui tente par tous les moyens de fuir ce monde de voyous. On retrouve néanmoins une esthétique semblable, notamment dans l’utilisation des couleurs et des musiques, où les sonorités cubaines et le son synthé des années 80 est simplement remplacé, dans le même esprit, par les musiques latinos et l’ambiance des années 90. Brian de Palma semble bien meilleur dans la composition d’un cadre et dans un mouvement de caméra que dans l’originalité d’une ambiance. Il n’empêche que le cinéaste prouve toute l’étendue de son talent en soignant ses effets (la vengeance de Carlito vis-à-vis de son avocat) et, surtout, sa mise en scène, d’une virtuosité rarement atteinte même chez le cinéaste : l’exemple le plus frappant reste cette course-poursuite finale, majoritairement tournée en plan-séquence, où De Palma maîtrise l’espace de manière à faire pâlir les plus grands cinéastes. De Palma n’hésite pas non plus, à l’instar de son modèle absolu et bien connu Alfred Hitchcock, à jouer avec le suspens mais aussi à étouffer une certaine émotion dans l’œuf, en ouvrant par exemple le film sur le meurtre de Carlito : la suite du film est donc implicitement connue mais on se surprend néanmoins à se demander ce qui va se passer.

La deuxième grande surprise du film, et le deuxième contrepoint frappant, est Al Pacino himself, bien loin du gueulard Tony Montana : il compose un Carlito mature, pour ne pas dire fini, bien plus calme et qui a perdu beaucoup de sa fougue en prison. Cette idée que Carlito n’est en rien comparable à Montana est prouvée lorsqu’il refuse de faire tuer un malfrat venu le provoquer dans son bar, ne voulant plus avoir de sang sur les mains. Aux côtés de l’acteur, un casting trois étoiles qui augmente un peu plus notre plaisir : Penelope Ann Miller, John Leguizamo, Luis Guzman et un excellent Viggo Mortensen. Et, comme si cela ne suffisait pas, le meilleur reste à venir : Sean Penn, qui a largement étoffé son personnage par rapport au scénario, qui compose un avocat véreux, toxicomane et limite raciste hallucinant.

Coup de maître stylistique, au scénario bien ficelé et au casting irréprochable, L’impasse constitue sans aucun doute l’un des sommets de la carrière du mésestimé Brian de Palma, qui reste (et il ne faudrait pas l’oublier) l’un des grands maîtres du cinéma américain, encore aujourd’hui même si ses films sont de moins bonne qualité ; qui peut néanmoins se vanter d’être aussi doué que lui une caméra à la main ?

Note : ****

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