dimanche 2 septembre 2007

Bonjour (Ohayo)


Contrairement à Kurosawa ou Mizoguchi, deux autres monuments du cinéma japonais, Yasujiro Ozu n’était pas du genre à réaliser des drames proches de la tragédie mais plutôt des histoires jugées banales, quotidiennes, susceptibles de nous arriver à tous, drôles en apparence et dramatiques en profondeur. Bonjour est l’une d’elles, fable douce-amère sur la jeunesse nipponne alors hypnotisée par la télévision.

Ozu joue au sociologue en soulignant le fossé qui peut exister entre les enfants et les adultes, et leurs perceptions du monde radicalement différentes. Pour les enfants, rien ne vaut le divertissement, l’amusement, qu’ils proviennent de jeux (les flatulences) ou de ce média en plein essor au Japon dans les années 50 : la télévision. Rares sont les cinéastes de la génération d’Ozu qui ont vu une bonne chose avec la naissance de la télévision. Il n’y a donc aucune réelle surprise de voir à quel point le cinéaste fustige cet objet, source de nombreux conflits, à travers la désobéissance des enfants vis-à-vis de leurs parents. Cinéma – télévision, c’est aussi un conflit générationnel en fin de compte…

Le vrai bonheur vient d’ailleurs de ces enfants, respirant le naturel face aux parents qui, à force, en arrivent à ne plus faire croire qu’ils sont mais qu’ils jouent des rôles. De toute manière, l’interprétation générale reste convenable.

Plus qu’une comédie, Ozu signe une métaphore sur la société japonaise, où les commérages vont bon train, qu’importent les faits réels. Les dangers du chômage sur le moral des hommes et la jalousie maladive envers les biens du voisin sont aussi des thèmes mis en exergue dans ce récit si humain. Le rapport de l’argent est essentiel, et là aussi il n’y a rien de surprenant. Le Japon n’est-il pas le pays où l’on court le plus après la survie ? L’esprit du capitalisme s’est installé et pousse les Japonais à se battre non pas pour vivre mais bien pour survivre. Qu’importe si un père ne peut offrir ce qu’ils veulent à ses enfants, le tout est d’assumer le travail pour pouvoir manger. C’est aussi pour ça que les Japonais craignent la pension ou le chômage, l’argent qu’ils en toucheraient étant bien moindre que ce qu’ils touchent en travaillant durement…

A noter que le film est un remake de Gosses de Tokyo, déjà signé Ozu où deux enfants faisaient une grève de la faim en guise de protestation contre la soumission de leur père vis-à-vis de son patron. Ozu a donc simplement réadapté son scénario à la situation actuelle…

Au bout du compte, Bonjour est le portrait d’un Japon divisé, où le bien-être et bien paraître sont les éléments fondateurs de la vie en société, et qu’importe ce qui peut se passer derrière les murs de la maison. Au diable les loisirs, on a pas assez de moyens pour y subvenir. Du coup, les jeunes mènent la vie dure aux parents qui, à force, se laissent dominer. L’autorité se perd et seule la vigueur de la jeunesse est supérieure à l’expérience de la vieillesse, dans un Japon décidemment divisé. En 50 ans, le film n’a vraiment pas pris de rides…

Note : ****

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