jeudi 20 septembre 2007

Les Désaxés (The Misfits)


Dire qu’il existe des films maudits n’étonnera personne, mais rares sont ceux qui ont une réputation aussi terrifiante que celle des Désaxés de John Huston.

Alors qu’il tente de divorcer, Arthur Miller se met à écrire une nouvelle en pensant à sa future épouse, la très célèbre Marilyn Monroe. L’adaptation cinématographique arrive bien vite sur le tapis, avec John Huston derrière la caméra et, pourquoi pas, Monroe, Clark Gable, Montgomery Clift, Eli Wallach et Thelma Ritter devant. Ce projet dont le casting fait rêver va rapidement tourner au cauchemar : par exemple, un médecin reste joignable 24 heures sur 24 pour Monroe et Clift, et les relations entre l’actrice et Clark Gable sont si tendues que l’acteur veut finir au plus vite ses scènes, exécutant ainsi ses propres cascades alors qu’il a 59 ans. Après un premier montage, où Monroe aurait insisté auprès de Miller pour que bon nombre de scènes avec Wallach soient coupées de peur qu’il ne lui vole la vedette, la United Artists demande quelques coupes, que Huston et Miller acceptent mais pas Gable, qui a un droit de regard sur le film : finalement, quelques plans sont finalement coupés, dont l’un montrant un sein de Marilyn Monroe (les monstres !!!). Au final, Clark Gable dira à Miller qu’il s’agissait là du « meilleur film que j’ai fait, et c’est la seule fois où j’ai vraiment été capable de jouer » avant d’ajouter cette célèbre remarque concernant Monroe « She almost kill me ! », qui s’avère exaucée 12 jours plus tard : Clark Gable meure d’une crise cardiaque. La malédiction des Désaxés peut ainsi commencer : Monroe d’abord, qui outre le divorce d’avec Miller peu de temps après le film, décède un an plus tard, avant que Montgomery Clift subisse lui aussi une crise cardiaque quatre ans plus tard : Les désaxés fut ainsi le dernier film de chacun.

Il n’en demeure pas moins que le film reste un chef-d’œuvre intemporel et l’occasion pour ses interprètes de briller une dernière fois, laissant une image sublime derrière eux. Marilyn Monroe, par exemple, trouve là son meilleur rôle, celui d’une ingénue idéaliste et à vif, souffrant en même temps que ne souffre le monde ; Gable, lui aussi en état de grâce, en cow-boy têtu et profondément seul, abandonné par ses enfants qui ne le voient plus qu’au strict minimum ; Clift enfin, dans le rôle d’un cow-boy amateur de sensation forte qui se demande, finalement, à quoi rime sa vie. A croire que les personnages furent écrits pour les acteurs directement, tant on a l’impression qu’ils vivent plus qu’ils ne jouent leurs rôles. La spontanéité d’Eli Wallach et l’humour de Thelma Ritter sauvent à peine le film du drame le plus sombre, dont le final donne cependant une lueur d’espoir à l’Homme.

Volontairement tourné en noir et blanc, le film illustre la fin d’une époque : celle des cow-boys, qui doivent chasser les chevaux sauvages pour vivre, celle d’une Amérique d’antan dépassée, celle d’un Hollywood fini dont les stars ne sont plus ce qu’elles étaient : Monroe et Clift font surtout parler d’eux pour leur alcoolisme et leurs dépendances aux médicaments, et Gable n’a plus le charme animal d’Autant en emporte le vent. Comme si le monde avait continué d’avancer sans les attendre. John Huston suivra le este de sa filmographie ne sera plus jamais aussi brillante qu’avant Les désaxés. Mais plutôt que de s’inquiéter, le cinéaste et Miller préfèrent prendre le temps de savourer, une dernière fois, un récit qui aurait coller parfaitement au monde dix ans plus tôt.

Plus qu’un long métrage à la réputation désastreuse, Les désaxés est surtout un grand film, peut-être même l’un des derniers a avoir oser parler, avant toute chose, de l’humain, dans ce qu’il a de plus beau, de plus complexe, de plus fragile.

Note : ****

1 Comment:

Tietie007 said...

Tragiquement beau ou quand la réalité rejoint la virtualité !