mardi 24 octobre 2006

Shadows


Premier film de John Cassavetes en tant que réalisateur, Shadows allait faire bien plus que révéler un cinéaste iconoclaste et original : il allait surtout devenir une référence incontournable du cinéma américain indépendant !

Tour à tour réalisateur, scénariste et monteur, Cassavetes réalisa ce film dans un but (certes mégalomane) bien précis : offrir quelque chose de nouveau au public mais également aux professionnels du cinéma. Il faut dire que Cassavetes n’avait rien de conformiste : pour lui, les contraintes d’un tournage devait être effacées pour offrir un film sincère. Il faut savoir que, vis-à-vis du cadrage et des éclairages, un acteur doit respecter un champ d’action ; selon Cassavetes, les acteurs attachaient plus d’attention à leurs mouvements qu’à leur jeu et leur texte. Pour lutter contre ça, Cassavetes orienta sa mise en scène selon les acteurs ; autrement dit, ce n’est plus la mise en scène qui dirigeait les acteurs, mais l’inverse.

Ce n’est pas là la seule nouveauté du film. Le deuxième point, assurément le plus troublant mais le plus plaisant, est que le film n’est en fait qu’une improvisation de grande envergure. Cassavetes, fondateur d’une école de théâtre, adorait laisser ses comédiens partir dans un univers qu’ils créaient au fur et à mesure et ici, ils leur donne la possibilité de se laisser aller à leur imagination (seul l’histoire initiale étant établi, le reste à créer de toute pièce).

Heureusement donc que les acteurs possèdent une âme qui captive l’écran, même si parfois ils ne savent pas toujours suivre l’improvisation, ils restent très bons dans le domaine. On donnera juste une mention spéciale à Ben Carruthers et Lelia Goldoni.
Un autre plaisir du film est très certainement sa b.o., composée partiellement par Charles Mingus. Ses musiques jazz, qui sont diluées un peu partout dans le film, tourné par ailleurs en extérieur de New York comme jamais auparavant, sont vraiment un élément fondateur du style Cassavetes, mais pas seulement : jazz + extérieur New York, une formule qui inspirera de nombreux artistes dont Woody Allen et surtout le fan numéro 1 de Cassavetes, Martin Scorsese, lequel aura par ailleurs Cassavetes comme père spirituel à ses débuts…

Improvisé, tourné de façon quasi documentaire et en 16 mm dans un New York en plein boum socioculturel, Shadows a réellement établi quelques données du cinéma indépendant, et c’est sans doute pour cela, en plus de sa fraîcheur et de son originalité, qu’il a remporté le Prix de la Critique au Festival de Venise. Et a, accessoirement, fait entrer Cassavetes au panthéon des grands cinéastes…

Note : ***

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