samedi 14 octobre 2006

Le Cirque (The Circus)


Lorsqu’on rêve de faire du cinéma, il y a de ces cinéastes qui vous dégoûteraient presque de vos rêves tant ils semblent avoir atteint un tel niveau que vous savez pertinemment que vous ne les égalerez jamais. Tel est le cas de Chaplin, génie des génies, véritable touche-à-tout (acteur, réalisateur, scénariste, producteur et même compositeur !) qui prouve une fois encore avec Le cirque que son talent n’avait aucune limite !

Forme d’hommage à un monde très visuel au Chaplin a fait quelques classes, Le cirque est très certainement l’un de ses meilleurs films… Et aussi l’un des plus maudits. En effet le tournage du Cirque fut émaillé de catastrophes : tout d'abord, en décembre 1925, un violent orage détruit en partie le chapiteau dans lequel est tourné le film. En 1926, c'est un incendie qui a ravagé le studio. Enfin, le négatif est abîmé suite à une erreur du laboratoire... Aux difficultés du tournage s'ajoutent les déboires personnels de Charles Chaplin. En 1927, Lita Grey, sa deuxième épouse, le quitte, peu après la naissance de leur deuxième fils, Sydney Chaplin. Le divorce fait grand bruit, car Grey publie dans la presse une violente lettre accusant Chaplin de s'être rendu coupable d'adultère avec Merna Kennedy, la jeune comédienne qu'il a engagée pour jouer le rôle de l'écuyère. Ce scandale, qui mobilise notamment les ligues de vertu américaines, affecte durement Chaplin, au point que le réalisateur doit se résoudre à interrompre pendant plusieurs mois le tournage du Cirque.

Ce qui explique certainement pourquoi après la première exploitation du film en 1928, Le Cirque a longtemps été invisible, en raison du refus de Charles Chaplin de montrer un film dont il garde un mauvais souvenir - il n'en parle même pas dans son autobiographie. Il faut attendre 1969 pour que le film ressorte en salles. A cette occasion, le cinéaste compose une nouvelle musique ainsi qu’une chanson qu’il interprète lui-même en guise de générique.

Dans ce film, le génie de Chaplin ne semble plus avoir de limite, tant dans l’interprétation que dan la réalisation. Véritable pantin au service de l’histoire, tour à tour mime, clown, sentimental ou funambule (Chaplin s'est entraîné pendant plusieurs semaines avec un clown, pour savoir tenir en équilibre sur un fil), il n’en demeure pas moins un cinéaste extrêmement brillant, servant scène d’anthologie sur scène d’anthologie, de la scène du palais des miroirs à faire pâlir Orson Welles jusqu’à l'une des plus célèbres scènes du film, celle où Charlot se voit enfermé dans une cage au lion, qui a été réalisée sans trucages et a nécessité plus de 200 prises ! Une preuve supplémentaire du perfectionnisme de Chaplin (on se souvient de la fameuse scène de La ruée vers l’or où Chaplin mange une chaussure qui a nécessité trois jours de tournage et soixante-trois prises pour satisfaire le réalisateur, la botte étant faite en réglisse et Chaplin se retrouvant par la suite hospitalisé à la suite d'un choc insulinique).

Il y a aussi, dans le scénario de Chaplin, cette touche amère inséparable de la comédie, subtilité que Chaplin maîtrise alors à la perfection. Si tout se termine dans un happy end, ce n’est pas vraiment le cas pour Charlot, qui redevient vagabond en plus de perdre la fille dont il était éperdument amoureux. De plus, l’univers du cirque, pourtant magique aux yeux des petits et grands, est dépeint avec férocité ici, où le directeur n’a même pas d’égard envers sa propre fille. Chaplin exploite donc à nouveau son idée de désillusion du monde, fait de faux-semblants puisqu’il est bien loin d’être merveilleux.

Ce film, que Charles Chaplin aura eu tant de difficultés à tourner, sera finalement un succès public à sa sortie en 1928. De plus, l'Académie des Oscars remettra en 1929 un Oscar d'Honneur à Charles Chaplin pour son interprétation, le scénario, la réalisation et la production du Cirque. Dans une lettre, l'Académie explique au cinéaste qu'il est désormais "hors compétition", ce qui explique cette récompense particulière.

Et au vu du film, on ne peut pas pleinement donner tort à l’Académie, Le cirque étant un film abouti, qui a parfois tendance à jouer le mélodrame il est vrai, mais dont chaque instant est un moment de bonheur, aussi bien humoristique que cinématographique. Et vous savez le pire ? C’est que des Chaplin, eh ben il n’y en aura probablement plus jamais…

Note : *****

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