vendredi 9 mars 2007

Eve (All about Eve)


Souvent, des films dont on n’attend pas spécialement grand-chose viennent nous surprendre et laisser leur empreinte dans l’histoire du septième art. Eve fait partie de cette catégorie, alors qu’il s’agissait pourtant du déjà huitième film du cinéaste.

A la base, une courte nouvelle de Mary Orr, The Wisdom of Eve, achetée par la Fox par hasard et qui va inspirer Mankiewicz pour son scénario. Et pendant que le producteur Darryl Zanuck voyait bien Marlène Dietrich, Jeanne Crain et José Ferrer dans le casting, le cinéaste envisage plutôt Gertrude Lawrence ou Claudette Colbert puisque Ingrid Bergman s’est désistée afin de ne pas quitter son Rossellini de mari. Ce sont donc Anne Baxter, Bette Davis et George Sanders qui l’emportent, non sans regrets : ils feront partie des 14 nominations du film aux Oscars, dont 6 statuettes seront remportées (Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario, Meilleur second rôle masculin, Meilleur son et Meilleurs costumes) avec en prime le Prix du jury à Cannes ainsi que le Prix de la meilleure actrice pour Bette Davis. A noter que le film a été élu 21e meilleur film de tous les temps par Entertainment Weekly.

Eve détient également le record du nombre de nominations féminines : deux pour Meilleure actrice et deux pour Meilleur second rôle féminin. Il faut dire que la part belle est réservée à ces dames : les homme servent un peu de faire valoir aux cupidités, manipulations et autres trahisons entre femmes, et pour être honnête on adore ça. Et pas seulement nous, puisque la performance de Bette Davis est toujours considérée comme la 5ème plus grande performance d’actrice de tous les temps pour Premiere Magazine. Il est vrai que le film repose sur leurs (pas si frêles) épaules, jouant tour à tour au chat et à la souris entre elles avec une prédominance pour la lutte psychologique entre l’inoubliable Bette Davis et la surprenante Anne Baxter. Dans une pièce de théâtre, leurs performances auraient fait fureur ; ici, elles font un tabac monstre, sans exagérer, tant elles bouffent l’écran.

L’autre point fort du film, un peu le style Mankiewicz, c’est le choix délibéré de laisser la caméra filmer les longs monologues entre personnages. Une fois encore, ça sent le théâtre, après tout le milieu où se déroule l’action du film, et c’est tant mieux. La multiplicité des narrateurs est aussi un moment de bonheur, ayant parfois un peu d’avance vis-à-vis de certains personnages et du retard vis-à-vis d’autres. Le scénario est aussi inhabituel pour l’époque, installant comme héroïnes une vieille actrice aigrie et une arriviste prête à tout pur obtenir ce qu’elle désire. Le final, ironique et sarcastique à souhait, est d’ailleurs impayable.

Bien qu’ayant un peu vieilli, Eve reste un sommet de l’interprétation et de la mise en film d’une histoire très théâtrale (il y aura d’ailleurs une adaptation sur les planches quelques années plus tard) comme Mankiewicz les aimait. Mankiewicz fantastique directeur d’acteur qui signe là son œuvre si pas la plus marquante au moins la plus célèbre.

Note : ****

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