jeudi 10 août 2006

Le poison (The Lost Week-end)


Si Billy Wilder est ultra connu pour ses comédies, il ne faudrait pas oublier qu’il fut aussi un dramatiste de très haute gamme. Le poison fait partie de ses meilleurs films, tragédie sombre ayant pour thème l’alcoolisme.

Adapté d’un roman de Charles Jackson, l’histoire est celle de Birnam, écrivain raté devenu alcoolique qui va lutter, le temps d’un week-end, contre sa maladie. De fil en aiguille, la mise en abyme se fait flagrante : entre Birnam et Jackson, il n’y a qu’un petit pas. D’autant plus grande donc est la véracité du sujet.

Quand on connaît Wilder, on se dit qu’on ne le voit pas réaliser un drame bien froid. C’est vrai quelque part, ses drames comportant des touches d’humour noir (Stalag 17 et surtout Sunset Boulevard) comme ici d’ailleurs, à travers le génie du dialogue qui caractérisait le maître (« c’est drôle, mais les gens se sont mis à boire lors de la Prohibition… »). Le scénario est tout simplement grandiose, inhabituel pour l’époque mais d’un réalisme certain. Si, de temps à autre cependant, on vire dans le cliché, ce n’est que pour mieux rebondir non seulement sur le thème de l’alcoolisme mais aussi sur la condition d’artiste. Il y aurait dans Le poison, en plus de l’adaptation, une part d’autobiographie que cela ne m’étonnerait guère… Et bien sûr, comme toujours, la morale du film fait mal, dénonçant implicitement l’augmentation du taux d’alcoolisme au sein des USA.

Pour interpréter le rôle de l’écrivain raté et alcoolique notoire, Wilder opte pour Ray Milland. Ce choix fut fait car le cinéaste voulait un acteur beau, pour attirer la sympathie du public, qui souhaiterait le voir guérir avant le générique de fin. Et ce fut payant, puisque la performance de Milland, en plus d’améliorer encore plus la qualité du film, fut récompensée du prix d'interprétation au premier festival de Cannes, ainsi que de l’Oscar du meilleur acteur (Le poison obtiendra en plus ceux du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario).

Il reste après tout cela que Billy Wilder était un cinéaste génial. Je sais, c’est facile de dire ça, mais sa mise en scène est d’une telle subtilité et inventivité qu’on mérite de s’y arrêter. Sans conteste, Le poison fait partie de ses chefs-d’œuvre, tant dans l direction d’acteur que dans l’ambiance distillée tout au long du film. On finit par vivre les même angoisses que Birnam, par comprendre sa douleur et, surtout, s’inquiéter pour lui (dont le sommet de folie atteint son apogée avec cette scène où Birnam voit un rat sortir de son mur et, l’instant d’après, se faire manger salement par une chauve-souris (invasion de rat qui sera reprise à peu de choses près dans Le cercle rouge de Melville)).

Un film qui n’a rien perdu de son intensité, et dont le sujet ne vieillira probablement jamais. Reste que Wilder a tenté de nous donner une leçon : si celle de vie est douloureuse, celle de cinéma est remarquable.

Note : ****

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