dimanche 27 août 2006

Persona


Le mot « persona » peut avoir, en latin, plusieurs significations :
« persona, ae, f. : - 1 - masque (porté par les acteurs); acteur. - 2 - masque, fausse apparence. - 3 - figure (en terre ou en pierre), statue. - 4 - rôle (au théâtre ou dans la vie réelle), charge, fonction, dignité. - 5 - personnage, caractère. - 6 - personne, individu, homme; personnalité. - 7 - t. de gram. personne. »

Bergman choisit chacune de ses significations pour créer cette histoire étrange, fascinante où les repères disparaissent au fil du temps, au fil de la confrontation entre l’actrice muette et l’infirmière bavarde, dont on ne distingue plus vraiment à la fin s’il s’agit de deux personnes ou d’une seule et même entité (le fondu entre les deux visages tend à cette hypothèse).

Persona est un film très difficile de compréhension car il néglige la psychologie selon Freud pour s’attacher, librement, à celle de Carl Jung. Le titre Persona et le prénom de la garde malade, Alma, sont une allusion au conflit entre le persona (le masque social), et l'alma (le subconscient) dont vient la souffrance humaine pour le psychanalyste. On peut donc dire que les deux protagonistes féminines sont complémentaires l’une de l’autre mais sont aussi en opposition fondamentale. La dualité-complémentarité qui existent entre elles trouve même un écho lorsque le mari d’Elisabeth, aveugle, la confond avec Alma ; le transfert entre les deux femmes est donc inéluctable et proche de sa réussite.

Persona semble aussi être le reflet de la propre personnalité de Bergman. D’une part l’artiste, qui décide de souffler un peu pour observer un petit peu plus le monde qui l’entoure ; d’autre part la frustrée, celle qui expose ses états d’âme sans arrière-pensée mis qui, face au mutisme de son public, devient folle. C’est une sorte de défouloir pour Bergman, cinéaste adulé des cinéphiles mais qui n’a pas toujours connu que des succès, ses films étant assez difficiles d’accès. Il y a aussi la peur de Bergman, à l’époque, de la mort. Cette angoisse profonde se fait ressentir tout au long du film, où Bergman mélange son récit avec des images apocalyptiques au début, au milieu et à la fin du film.

Bergman soigne tout particulièrement la réalisation de son film, qui ne vit réellement le jour qu’après que Bergman y songe à l’hôpital en voyant une photo des deux actrices réunies. La photographie, réellement sublime, confère au film un aspect mystique, jeu d’ombres et de lumières, où le cadrage à une importance fondamentale (gros plan, champ-contrechamp…).

Les deux actrices sont elles aussi remarquables, l’une prouvant la puissance des mots en ne les prononçant pas, l’autre montrant leur futilité en les galvaudant. La ressemblance physique entrez elles, par ailleurs, contribue grandement au crédit de l’échange de personnalités, et plusieurs scènes deviennent ambiguës comme celle où Elisabeth et Alma se regardent dans le miroir, Elisabeth recoiffant Alma langoureusement…

Un film assez compliqué de prime abord, c’est vrai, mais qui révèle d’une analyse de l’âme humaine comme jamais. Une introspection très psychique à analyser soigneusement.

Note : ****

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