lundi 14 août 2006

Plein soleil


Le cinéma pourrait se définir comme un art de l’illusion. Des gens se faisant passer pour d’autres, des faussaires dans leur genre. Aucun paradoxe donc à voir le roman de Patricia Highsmith adapté au cinéma sous le titre Plein soleil.

Voici donc les aventures de Tom Ripley, enfant pauvre devenu adulte encore plus pauvre mais d’un talent exceptionnel pour mentir. Il en aura connu des adaptations ce mythomane assassin (L’ami américain de Wenders, Le talentueux Mr Ripley de Minghella…) mais c’est décidemment la version de Clément qui l’emporte.

Il y a tout d’abord, et surtout, Alain Delon dans le rôle principal. En plus d’être une belle gueule, c’est un sacré acteur le coquin, si bien que l’air de rien, il éclipse Maurice Ronet, Marie Laforêt ou Billy Kearns pour tirer la couverture à lui tout seul. La personnalité trouble de Ripley, son côté mi-ange mi-démon, séducteur manipulateur et amateur d’art à ses heures perdues trouve en Delon un écho mémorable, celui-ci livrant ce qui est probablement l’une des plus belles prestations de sa carrière. Il parvient à la fois à créer la fascination et le dégoût, à rendre perceptible la schizophrénie maîtrisée de son personnage sans sombrer dans le stéréotype pour autant.

René Clément l’a bien compris, et lui laisse occuper la majeure partie du cadre. Quand ce n’est pas le cas, Clément préfère s’attarder sur une Italie de rêve, mieux encore que celle des cartes postales, où le soleil n’a d’égal que les beautés du pays (aussi bien culturelles que féminines…). Marin confirmé, Clément filme également quelques scènes en mer pour se faire plaisir et, par la suite, nous faire plaisir. Autrement, sa réalisation esthétique convient parfaitement à l’histoire, usant de décors somptueux pour nous en foutre plein la vue, le temps de distiller une ambiance qui devient de plus en plus fiévreuse et angoissante.

Ceux qui ne connaissent pas le fin mot de l’histoire pourront peut-être être étonné de voir le déroulement des choses, et découvrir un final inattendu bien que logique. D’ici là, pendant 1h50, il convient de nous laisser, nous aussi spectateurs, manipuler par cet artiste de la fausse identité, ce virtuose du mensonge, le Michel-Ange des faussaires en quelque sorte. Car de rebondissements en rebondissements, on ne sait pas très bien où l’on va, et pourtant on va simplement là où Ripley, ou Delon au choix, nous emmène.
Et comment oublier la partition de Nino Rota, toujours aussi sublime et qui, si elle n’a pas autant marquée que celles pour Fellini ou Coppola, mérite amplement d’être redécouverte.

Jeu du faux-semblant, où Ripley joue avec ses victimes (à la fois autres personnages et nous spectateurs) tel un chat avec des souris avant de les manger. Il ne frôle jamais l’indigestion, et nous on apprend à se méfier des amis que l’on a plus revu depuis des années…

Note : ****

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