lundi 21 août 2006

New York Stories


Il est des fantasmes cinématographiques qu’on ose à peine imaginer. New York Stories est de ceux-là; pensez donc! Scorsese, F.F. Coppola et Woody Allen : trois cinéastes de légende décrivant, le temps d’un moyen métrage, la vie dans la ville qu’ils chérissent tant.

1. Apprentissages : le métrage de Scorsese. Dans la plus pure tradition de son style, Scorsese adapte Le joueur de Dostoïevski mais également la vraie vie de Dostoïevski. En effet, l’écrivain souffrait du même mal que Nick Nolte dan le film : il était éperdument amoureux d’une jeune fille qui ne l’aimait pas. La relation qu’il nourrissait avec elle s’approchait d’ailleurs nettement plus du masochisme qu’autre chose.
A travers cette histoire, c’est sa propre vision artistique que Scorsese dépeint : l’art naît de la frustration. Cette définition est tout simplement la clé de son œuvre, et il le prouve à nouveau ici. Si la peinture remplace le jeu (vis-à-vis de Dostoïevski), c’est soi-disant pour rendre le tout plus visuel (dixit le cinéaste) mais aussi pour établir un parallèle supplémentaire avec Scorsese qui est un peintre confirmé.
C’est aussi le métrage où New York semble la plus réaliste, même si nous ne la voyons qu’à travers les fenêtres de l’atelier du peintre. La mise en scène très stylisée (notamment dans l’usage des iris et dans l’éclairage) de Scorsese offre une dimension presque théâtrale au métrage d’ailleurs, d’où l’intérêt de ne concentrer l’action en majorité que dans cet atelier en huis clos.
Evidemment, les acteurs sont dirigés d’une main de maître, et c’est Nick Nolte qui domine tout. Pourtant, le film ne démarre jamais vraiment, peine à se laisser pénétrer par le spectateur, si bien qu’au final cette imperméabilité nous refroidit et nous ne nous intéressons plus guère aux existences de ces deux artistes en mal d’amour aussi bien l’un que l’autre. (***)

2. La vie sans Zoé : le métrage de Coppola. Il serait plus juste de dire qu’il s’agit d’un film des Coppola, puisque si Francis réalise, il a co-écrit avec sa fille Sofia (à noter que Talia Shire et Carmine Coppola font aussi partie du casting, en tant qu’acteurs).
Le fait que la fille puisse travailler avec le père permet une approche plus personnelle du cinéaste : sa propre vie. Ce n’est plus tant la petite Zoé, dont le père est un artiste mondialement célèbre, que l’on voit s’ennuyer sans ses parents mais bien Sofia elle-même. L’appel à l’amour est grand, trop grand peut-être pour cette comédie enfantine.
Car nous sommes déjà dans la phase descendante du cinéaste, celle où ses scénarios ne valent pas plus que quelques films mièvres made in Hollywood. Si Sofia découvre son thème le plus cher (l’enfant déboussolée), Francis semble se laisser dominer. Fort dommage, puisque le film n’atteint alors pas plus qu’une production pour enfant, un univers fantasmagorique préadolescent bien loin de ceux que Coppola nous avait offert avec Rusty James ou Outsiders. Il ne s’agit même pas d’une réflexion sur son œuvre mais simplement d’un acte de fainéantise, laissant presque sa fille faire ses armes sur ce film. Esthétiquement réussi mais trop niais pour complètement séduire (**)

3. Le complot d’Œdipe : le métrage d’Allen. Probablement le métrage le plus réussi des trois car le plus fidèle à son auteur sans pour autant oublier d’être universel.
La mère possessive, tout le monde connaît ; eh bien Allen lui, ça l’a traumatisé. Si Woody tentait déjà de nous le faire comprendre depuis bien longtemps (Annie Hall et Radio Days en tête de liste), il règle définitivement ses comptes cette fois. Bien sûr, de manière ironique et métaphorique : sa mère se retrouve dans le ciel de New York, capable ainsi de surveiller chaque fait et geste de Sheldon !
Le style Allen fait toujours mouche : musique jazz, rapport à la psychanalyse, dimension tragicomique du récit… Et, une fois encore, Allen traite non seulement de ses angoisses mais aussi de ses problèmes personnels : la relation avec Mia Farrow est ainsi à nouveau montrée comme fébrile, cassante même vers la fin. C’est plus léger que dans Maris et femmes mais ce n’en est pas moins prémonitoire… A noter qu’Allen règle aussi définitivement les questions de son positionnement face au judaïsme, de manière discrète et sous-jacente. (****)

Dans l’ensemble, New York Stories est un spectacle inégal, quelque peu mensonger puisque les histoires auraient pu se passer ailleurs qu’à New York. Ou alors on veut garder le caractère artistique, rêveur et fantastique de la Grosse Pomme, l’Hollywood des artistes intègres ou underground… à moins que ce ne soit la capitale des illusions.

Note globale : ***

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