samedi 15 mars 2008

Chicken Run

La 3D domine de plus en plus le monde de l’animation, c’est un fait. Mais il y a toujours des exceptions, et quand il ne s’agit pas de 2D, c’est la technique de la pâte de à modeler qui nous fait rêver, avec des petits bijoux comme ce Chicken Run.

Plutôt original, le film voit les tentatives d’évasion de poules peu après la Seconde Guerre Mondiale en Angleterre. Une fois n’est pas coutume, nous prenons vite le parti de cette volaille au profit des êtres humains, bêtes et méchants. Très vite, le ton est donné : le film s’inspire des grands films d’évasion, de Stalag 17 à La grande évasion, mais aussi d’autres films d’aventures : la séquence de la machine à tourtes ne rappelle-t-elle pas quelques morceaux d’anthologie d’Indiana Jones ? Sans oublier des hommages divers, comme les rats dansant le jazz avec des lunettes noires façon Blues Brothers.

Mais tout ça, c’est pour la frime, parce que le scénario se suffit à lui-même : ciblé enfants mais avec sa part d’humour destinée aux parents, les situations s’enchaînent sans se ressembler, et les règles de dramaturgie sont bien respectées (le faux héros qui s’en va puis revient, le vieux coq que l’on écoute jamais alors qu’il a la solution…). Rien de bien innovant sous les nuages du Yorkshire, mais on s’en moque un peu, le plaisir étant là.
Puis, ce qui est amusant, c’est de reconnaître les voix des stars dans le film : Mel Gibson dans la version originale (où sa première apparition se fait en entendant « liberté », dernière parole d’un certain Braveheart), Gérard Depardieu, Valérie Lemercier, Josianne Balasko et Henry Guibet dans la version française. Ca ne doit pas être si évident que ça de doubler un dessin animé, alors quelle joie de voir (enfin, d’entendre) qu’ils ont pris leur pied à le faire.

Là où ça laisse pantois, c’est bien évidemment dans la réalisation : tout le monde sait à quel point la technique du stop-motion est laborieuse et contraignante. Pourtant, Nick Park et Peter Lord s’en tirent à merveille. Explications techniques : les personnages furent créés d’une part en silicone recouvert de latex (les corps) et d’autre part de plasticine (têtes et mains), les écharpes et colliers ne servant qu’à masquer les jointures. Chaque poulet fut créé en deux tailles : un grand modèle (pouvant atteindre jusqu'à 30 cm) pour les scènes où on les voit agir et dialoguer entre eux et une version miniature pour les séquences de groupes ou encore les scènes en relation avec les personnages humains. Les poulets miniatures (faisant moins de 10 cm) servirent également à renforcer l'impression de perspective en créant une forte distance. Le film nécessita la fabrication de près de 300 figurines " grand modèle " et 130 miniatures. Enfin, le décor principal, l’enclos des poules, mesurait près de 18 mètres, soit toute la longueur du studio, les arrière-plans n’étant en fait que des peintures sur toile. Avec tout ça, rien d’étonnant que les réalisateurs aient filmés en 20 im./s. au lieu de 25 im./s. pour économiser autant qu’il pouvait (et qu’on leur demandait) leur budget.

A sa sortie, le film fait un tabac, si bien que les membres des Oscars décident, un peu tard, de créer une catégorie Meilleur film d’animation pour l’année suivante. C’est la petite bombe 3D Shrek qui l’emportera ; ironie du sort de voir la 3D gagner grâce à la pâte à modeler…

Une petite perle d’animation, fidèle à ses modèles du genre sans en oublier pour autant la fantaisie propre au dessin animé. Rarement on aura atteint autant d’élégance et de qualité.

Note : ****

0 Comments: