Les apparences sont souvent trompeuses, et le cinéphile devra apprendre, au risque de se laisser posséder, à ne pas se fier aux apparences. Ainsi, Ghost Dog n’a rien du vulgaire film de gangster.
Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un film de Jim Jarmusch, cinéaste en quête de soi-même, cherchant à s’émanciper de toute influence préexistante et voulant trouver sa voie du cinéma dans l’expérimentation, dans le débordement des limites du film de genre : le film de prison avec Down by law, le western avec Dead Man et plus tard le road-movie avec Broken Flowers.
Ensuite parce que le matériau du film est pour le moins surprenant : un black fort comme un bœuf qui joue les fantômes et les samouraïs, déconnecté de son temps qu’il est, bossant pour des caricatures de gangsters italiens, le tout sous fond de hip hop (sublime b.o. de RZA). Sans oublier une esthétique extrêmement soignée qui prouve définitivement l’aisance de Jarmusch à filmer aussi bien en couleur qu’en noir et blanc.
Après parce que le film est une jolie réflexion sur la quête de l’innocence : le retour en enfance des gangsters qui regardent les dessins animés, un espagnol qui construit un bateau sur un toit, un tueur aux valeurs morales féodales, le tout présenté par un Jarmusch qui désire un film pur, sans origine précise, comme l’indique ce final où western, film de samouraï, drame européen et regard enfantin se croisent. C’est aussi un film jarmuschien dans le sens où l’incommunicabilité des êtres joue un rôle prépondérant, du père mafieux qui ne parle pas à sa fille au Ghost Dog qui ne communique que par pigeon voyageur et voit en un Français ne parlant pas anglais son meilleur ami.
Enfin parce que Forest Withaker, avec son physique de camionneur, joue tout en finesse, en subtilité, presque en douceur. Tandis que son corps envahit l’écran, c’est son âme qui domine le film, et son charisme d’acteur trop sous-employé.
Le cinéphile pessimiste, une fois cet enseignement acquis, découvrira sans doute avec joie que le cinéma regorge encore aujourd’hui d’audace et d’originalité. Et que pour cela il doit remercier un maître parmi les maîtres : Jim Jarmusch. Tel est la substance de la voie du cinéphile.
Note : *****
lundi 30 novembre 2009
Ghost Dog : la voie du samouraï (Ghost Dog : The Way of the Samuraï)
Publié par Bastien à 00:01
Libellés : *****, Années 1990, Jarmusch Jim
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3 Comments:
Jarmusch a vraiment un univers à lui.
J'avais été le voir à sa sortie ciné et j'avais adoré, alors forcément je l'ai regardé à nouveau hier soir!
C'est un très bon film, et RZA nous a fait une B.O. comme on aime !
Mais Jim Jarmush à cette espèce de défaut récurrent et vraiment agaçant de faire un scénario additif, empiler les scènes de manière peu fluide, et également alourdir sa trame de lourdeurs. Mais pour ce qui est de Ghost Dog c'est moins le cas qu'avec Broken Flowers où cela est vraiment flagrant, sauf la toute fin du film qui est assez osée et intéressante avec la fausse piste du fils non retrouvé .
Bonne Continuations, ce blog est vriament très bien, et agréable à lire !
Ben
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