samedi 24 mars 2007

Les nuits de Cabiria (Le Notti di Cabiria)


Avant de devenir le cinéaste fantasmagorique que l’on connaît, Federico Fellini était un cinéaste du néoréalisme. Pourtant, ses films avaient déjà quelque chose de particulier, d’indéfinissable comme ces Nuits de Cabiria.

Situé entre La Strada et La Dolce Vita (comme Il Bidone), le film n’est pas le plus célèbre du cinéaste alors qu’il a reçu l’Oscar du meilleur film étranger, le second pour Fellini, ainsi que le Prix de l’interprétation féminine à Cannes pour Giuletta Masina. Pourtant il convient d’y prêter attention pour bien comprendre le style du cinéaste. Si nous ne sommes pas encore dans l’autobiographie ni dans la fascination pour les personnages pittoresques, Les nuits de Cabiria possède une partie de ce côté illusoire que Fellini développera dans ses prochains films. Comme pour La Strada, Fellini renoue avec le drame tragicomique pour conter l’histoire de Cabiria, prostituée rêvant du grand amour sans malheureusement le trouver.

Le film, en plus d’être l’occasion d’explorer un peu plus son univers stylistique très personnel, permet à Fellini d’offrir un nouveau rôle marquant à son épouse, Giuletta Masina, qui délaisse cette fois le mime pour jouer sur le comique certes toujours visuel mais plus subtil, avec toujours cette pointe de tristesse dans son attitude. Admirable, l’actrice porte de A à Z le récit sans jamais faillir, écrasant tous les autres acteurs sur son passage même François Perrier qui fait un peu pâle figure face à elle. Une interprétation tout en joie et tristesse, force et faiblesse, retenue et explosion des sentiments, bref la totale pour un actrice.

A nouveau (et comme toujours), le Maestro fait appel à Nino Rota pour composer la bande originale du film et, comme d’habitude, l’osmose parfaite est atteinte entre les images et la musique. Déjà là, alors que nous ne sommes qu’à la cinquième collaboration entre les deux hommes, on sent que les deux univers artistiques non seulement cohabitent de manière parfaite mais se complètement carrément, rendant impossible la dissociation l’un de l’autre.

Dans la veine néoréaliste, Fellini nous raconte donc à travers cette prostituée une misère sociale établie, celle des provinciales ne rêvant que d’une chose : quitter la misère, si possible au bras d’un homme, pour vivre heureuse dans une magnifique maison. Un rêve impossible visiblement, la cupidité de l’homme étant trop grande. Subtilement, Fellini fait passer ce constat social dans une narration originale alors, qui s’apparente à une enfilade de sketchs plutôt qu’à un film linéaire et formant un seul bloc (narration qui trouvera son apogée dans Dolce Vita avant d’être exploité de manière onirique dans le reste des films de l’auteur). Pour l’anecdote, c’est un certain Pier Paolo Pasolini qui signa les dialogues du film, rompu à l’argot et au langage populaire. Enfin, très simple et très juste, la réalisation du Maestro se laisse porter par la performance de Giuletta Masina, tout en ne perdant pas de vue le rejet de tout sentimentalisme ou misérabilisme que cette œuvre pourrait entraîner.

Une œuvre à reconsidérer car trop rarement montrée, regorgeant déjà de thèmes et figures stylistiques (et personnages parfois pittoresques) ce qui allaient constituer l’un des univers cinématographiques les plus singuliers et fascinants de l’Histoire du septième art.

Note : ****

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