mercredi 21 mars 2007

Arrivederci amore, ciao


Le cinéma italien se porte bien, merci. La preuve ? Le cinéma social survit avec rage et envie, tandis que le polar politique dans la lignée des films de Francesco Rosi revient en force avec deux films : Romanzo Criminale, sorti il y a quelques temps, et Arrivederci Amore Ciao, malheureusement inédit et qui signe le retour de Michele Soavi.

Michele Soavi est un cinéaste peu fructueux mais efficace : 4 films en 20 ans mais chacun a fait du bruit. Elève de Dario Argento, passage éclair comme acteur chez Lucio Fulci, il était normal que Soavi se dirige vers le cinéma fantastique à ses débuts. 1994 est l’année de ce qu’on considère comme son chef-d’œuvre Dellamorte Dellamore, puis plus rien, tout au plus des trucs pour la TV et un poste de réalisateur de second équipe sur Les frères Grimm de Terry Gilliam. Et puis c’est la claque : l’adaptation du roman de Massimo Carlotto fait grand bruit, remporte le David di Donatello (équivalent des Césars) de la Meilleure chanson originale de Caterina Caselli et deux autres nominations (Meilleur décors et Meilleure second rôle féminin pour Isabella Ferrari) et redore, avec Romanzo Criminale de Michele Placido, l’image du polar violent et politique qui a fait la réputation des Italiens dans les années 70.

Rapidement, Soavi trouve ses marques et impose son univers : baroque, noir, violent, proche du cinéma d’Argento et de Bava par moments mais surtout stylisé et métaphorique. Point de vue technique, Soavi laisse sa caméra bouger très souvent, à raison : pour le cinéaste, « la caméra est comme l'âme du protagoniste : les mouvements d'appareil expriment donc le sentiment constant d'intranquillité qui l'assaille. De fait, Giorgio est en permanence sur le qui-vive et ses moments d'apaisement sont de courte durée. ».

Deux éléments viennent ensuite jouer une importance dans le récit : la fameuse chanson Arrivederci amore, ciao qui revient comme un leitmotiv pendant les moments douloureux et violent, de manière très cynique et ironique (comment oublier la mort à petit feu d’un des personnages avec cette musique en fond sonore ?), et ensuite l’eau, qui comme le précise Soavi « exprime ce même sentiment de trouble et d'agitation propre à Giorgio. D'ailleurs, dans ce film, l'eau est constamment sombre et mouvante, comme celle du fleuve d'Amérique Centrale où commence l'histoire. ». Enfin, l’attention que porte le cinéaste à la valeur métaphorique de ses plans est admirable, notamment ce plan final très évocateur et diaboliquement significatif en plus d’être fortement amoral.

Pour porter ce film, il fallait bien entendu un casting d’enfer. C’est à Alessio Boni, acteur dans Nos meilleures années, qu’est revenue cette lourde tâche. Et rapidement, le résultat nous saute aux yeux : il est tout simplement parfait. Crapuleux, sans pitié, prêt à tout pour vivre comme il l’entend, son personnage Giorgio est tout simplement le type d’homme qu’on hait mais la subtilité consiste à en faire non pas un bourreau mais une victime. C’est là que Boni est fort, très fort, car l’espace du film il parvient à nous séduire autant qu’à nous dégoûter. Pour lui tenir tête, c’est Michele Placido qui joue les flics ripoux avec une telle passion (quoi de plus normal pour le réalisateur de Romanzo Criminale ?) qu’on perd nos repères : où se situe le Bien et le Mal ? Arrivederci amore, ciao est un film de cette trempe, de ceux qui nous mettent mal à l’aise parce qu’on ne sait plus quoi penser à cause de leurs personnages ambigus, comme les films de gangsters de Scorsese. Quant aux actrices féminines, elle se trouvent dans un film misogyne et le sachant, doivent se battre pour ne pas passer inaperçues, ce qu’elles parviennent finalement à réussir que ce soit Ferrari ou Alina Nedela.

Résolument antipathique et amoral, froid et stylisé, sombre et violent, Arrivederci amore, ciao est un film sans concession, polar sulfureux et qui sent le souffre, porté par des comédiens au sommet de leurs formes et dirigé par un cinéaste précis, efficace et clairement doué. Un must du genre dans le cinéma italien.

Note : ****

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