vendredi 9 février 2007

Le Parrain II (The Godfather : part II)


D’ordinaire, les suites sont moins bonnes que les films originaux. Et parfois, le miracle se produit, comme pour Le Parrain : 2ème partie.

Après le succès inouï du Parrain premier du nom, il était logique qu’il devait y avoir une suite : on ne tue pas sa poule aux œufs d’or que diable. Mario Puzo donna son accord, certains éléments de son roman comme la jeunesse de Vito Corleone n’ayant pas été exploitée dans le premier film. Mais Coppola refusa, déclarant que tout avait été dit, et qui plus est, le premier film avait été un véritable calvaire pour lui. Sous la pression des producteurs, il proposa Martin Scorsese, qui fut refusé. Coppola négocia alors son contrat pour cette suie : un budget plus confortable, une liberté totale, le final cut, la production de Conversation secrète assurée et un salaire de 1 million de dollars, du jamais vu pour un réalisateur. Et comme on ne marchande pas un génie, il eut tout ce qu’il désirait !

Rattrapant quelques erreurs, comme de n’avoir pas engagé Robert de Niro la première fois, Coppola veut créer un film complexe, tragique, plus shakespearien que jamais et doté d’une modernité sans limite. Pour ce faire, il opte pour un montage parallèle original : l’ascension de Vito Corleone et la chute de son fils, Michael. A l’époque, ce montage était tout simplement révolutionnaire ! Fort d’un budget de 15 millions de dollars (soit deux fois et demi plus que le premier Parrain), Coppola ne lésine pas sur les reconstitutions et va également tourné en Sicile. S’il parvient avec l’aide d’Al Pacino à sortir Lee Strasberg, l’initiateur de la méthode de l’Actor’s Studio, de sa retraite pour jouer un rôle important, il ne parvient cependant pas à faire jouer Marlon Brando une seconde fois. Le reste du casting revient, et James Caan pousse même le vice de se faire payer le même salaire que pour le Parrain pour seulement 3 minutes d’apparition ! Fort de sa position, Coppola se permet tout, et il a raison vu le résultat final : 11 nominations aux Oscars (dont 5 pour les acteurs), 6 statuettes à l’arrivée, un succès populaire immense malgré sa durée (3h10) et un statut d’incontournable : 7ème Meilleur film de tous les temps selon Entertainment Weekly, 5ème dans le top 100 des plus grands films de tous les temps, 1er dans le la liste des 50 meilleurs films des guides TV (Le Parrain arrive 7ème), et selon la revue Sight & Sound il arrive 4ème dans le top 10 des critiques du monde entier et 2ème dans le top 10 des cinéastes (ex-aequo avec Le Parrain). Le célèbre gangster Meyer Lansky, dont le personnage d’Hyman Roth est inspiré, va jusqu’à téléphoner lui-même à Lee Strasberg pour le féliciter de sa performance dans le film !

Et le pire, c’est que toutes ses éloges sont méritées. Bien que plus lent et long que le premier film, cette séquelle est reconnue comme supérieure au Parrain pour de nombreuses choses.

La première, et probablement la plus importante, est le montage comme cité précédemment. La construction du film permet en effet d’accentuer le côté dramatique de l’histoire, et on regrette juste de ne pas avoir droit plus souvent aux épisodes de Vito Corleone. Cela s’explique sans doute par le contexte dans lequel le film s’inscrit, plus politique qu’avant, en situant une partie du récit à Cuba pendant la révolution de Castro. La corruption des politiciens et la chasse à la Mafia est également plus claire ici, comme si Coppola voulait donner un côté plus réaliste à son film, alors que la violence est déjà bien plus crue.

Au niveau de la réalisation, Coppola continue de miser sur la photographie de Gordon Willis pour créer une ambiance particulière, unique qui sert encore et toujours à merveille le film. Il joue également avec une certaine forme d’ironie, voire de cynisme dans certaines scènes, comme le meurtre du frère alors que celui-ci récite le Je vous salue Marie. Le couple Coppola n’était pas au mieux de sa forme à l’époque, et cela se ressent à travers l’histoire de Michael et Kay, celle-ci reprochant à son mari d’être trop dans es « affaires » pour réellement prendre soin de sa famille. Quand la réalité rejoint la fiction…

Mais l’autre grande réussite du film réside sans conteste dans son casting : irréprochable, on regrette vraiment qu’ils n’aient pas tous été récompensés à leur juste valeur. Al Pacino, par exemple, qui entre enfin dans son personnage d’un bout à l’autre, ce Parrain privilégiant le business aux affaires familiales, plus convaincant que dans le Parrain ; à côté, Robert Duvall et Diane Keaton semblent un peu en retrait mais n’en sont pas moins formidables. Les regrettés Lee Strasberg et John Cazale composent des personnages hors normes, l’un pour son côté manipulateur, l’autre pour son approche du frère mal-aimé, et tous deux donnent à leurs personnages un côté plus shakespearien que stéréotype du film noir. Pourtant, ce sont deux autres acteurs qui remportent les suffrages : Michael V. Gazzo tout d’abord, dans le rôle du vieil ami de la famille qui trahit, monument vivant et archétype même du vieux mafiosi italien, d’une sincérité qui fait rêver. Enfin, et non des moindres, Robert de Niro, seul récompensé aux Oscars, qui n’a pas hésité à réapprendre l’italien pour le film, voyageant en Sicile avant le tournage (où il rencontrera Bertolucci qui lui proposera 1900 d’ailleurs). Son mérite est d’autant plus grand qu’il doit endosser le costume de Marlon Brando, monstre sacré et gagnant d’un Oscar pour ce rôle. Pourtant, sans en effacer les traits caractéristiques, De Niro se détache de cette première version de Vito Corleone et tente une approche plus froide, moins cynique, plus violente, ce qui lui réussit admirablement. Sans conteste, c’est lui la vraie vedette du film, Pacino faisant presque pâle figure face à lui. Une composition mémorable, l’une des plus marquantes de la arrière de De Niro.

Un film tout bonnement magistral, réutilisant les qualités du premier Parrain pour en rajouter de nouvelles, et créer ainsi plus qu’une suite, un film indépendant qui surpasse son modèle. Le sommet de la trilogie, et l’un des sommets du cinéma en général, symbiose du cinéma d’auteur, du cinéma commercial et tremplin à des artistes d’exception, De Niro et Coppola en tête, qui offrent tout leur talent pour façonner un mythe incontournable.

Note : *****

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